Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/992

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pauvres et délaissés n’exclut point en eux la franchise et la douceur du caractère.

Le Nouveau-Brunswick, on le voit, peut être considéré dans son ensemble comme un océan de forêts. Le terrain en est presque toujours plat, coupé de lacs et de rivières, présentant alternativement des lieux bas et marécageux et des plaines propres à la culture. La truite abonde dans les ruisseaux, le saumon remonte les fleuves jusque dans l’intérieur du pays. Partout le pêcheur a des chances de faire un excellent repas ; le chasseur aussi trouve de quoi exercer son adresse. Dans les plaines erre le caribou, — renne américain, — aux bois larges et puissans, noble animal qu’on a quelquefois dressé à conduire des traîneaux ; dans les endroits plus fourrés se cachent le grand cerf et le chevreuil si rapide qu’on l’aperçoit à peine quand il bondit par-dessus les buissons. L’Acadie renferme les animaux à fourrure qui fréquentent les parties les plus froides du Haut-Canada, la martre, les renards de toutes nuances et le castor, réfugié sur les rives de la Miramichi, où il construit en paix son petit phalanstère. Le climat du Nouveau-Brunswick est très froid en hiver et très chaud en été. Pendant le mois de juillet, le thermomètre s’élève dans les bois à 80 degrés Farenheit. Pendant le mois de janvier, le chasseur doit se revêtir d’un costume à peu près semblable à celui qu’on porte sur les bords de la baie d’Hudson ; la baie de Fundy charrie des glaces, et ce qui augmente la difficulté de la navigation dans ces parages, ce sont d’épais brouillards, auxquels succèdent tout à coup des ouragans de neige. Les bouleaux, les ormes, les tilleuls ne se couvrent pas de feuilles avant la fin de mai ; il n’y a donc point de printemps ! Au plus fort de l’été, de violens orages rafraîchissent subitement la température, au point que sur les lieux élevés les petits lacs se revêtent d’une fine couche de glace. Jusqu’ici le Nouveau-Brunswick produit peu de céréales ; les exportations annuelles, qu’on peut estimer à 30 millions de francs, consistent en bois, fourrures, peaux sèches, poisson et viande salée. Ces simples productions naissent du sol et de la mer ; l’industrie n’y entre pour rien : aussi les colons, pauvres fermiers, chasseurs ou bûcherons, tirent-ils de la mère-patrie fort peu d’articles manufacturés. L’Angleterre, qui cherche dans ses colonies des débouchés pour ses fabriques, a donc grand intérêt à ce que le pays encore inculte se peuple d’habitans et surtout d’habitans aisés. Pour attirer des émigrans sur ce sol couvert de forêts, le meilleur moyen serait de tracer une route qui traversât le New-Brunswick depuis la Nouvelle-Écosse jusqu’au Canada. Le long de cette grande voie de communication, des villages se bâtiraient, l’agriculteur trouverait des marchés où échanger ses denrées contre les objets de première nécessité ; peu à peu le commerce naîtrait sur toute la ligne, et l’Américain de l’état