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Malgré son peu d’étendue, l’île du Cap-Breton formait autrefois un gouvernement à part, qui s’étendait sur l’île du Prince-Édouard (l’île Saint-Jean des Canadiens). Elle n’a guère qu’une importance maritime et militaire, qu’elle doit à sa situation avantageuse sur le golfe Saint-Laurent et à la configuration de ses côtes, creusées partout d’anses profondes qui forment des ports excellens où les navires surpris par les tempêtes et les brouillards sont heureux de pouvoir se réfugier. Derrière le Cap-Breton, et comme à son ombre et sous sa protection, se profile, le long de la côte du Nouveau-Brunswick, l’île du Prince-Édouard. En 1805, une colonie d’Écossais, amenée par lord Selkirk, le même qui fonda Kilkonan, y ranima le goût de la culture. On y compte aujourd’hui cinq villes assez florissantes. Ces deux îles dont nous venons de parler, — Cap-Breton et Prince-Édouard, — relèvent du gouvernement de la Nouvelle-Écosse. Pour arriver en terre ferme, il suffit de traverser le détroit de Canseau ou Canso, passage très court, mais difficile, où les marées capricieuses déjouent tous les calculs des astronomes et des marins. Sur la rive méridionale du détroit de Canso commencent des pays plus étroitement attachés au Canada que ceux dont nous nous sommes occupés jusqu’ici. Ce ne sont pas des terres nouvelles, voilà deux siècles et plus que l’Europe les connaît ; mais la Grande-Bretagne, qui a fini par les enlever à la France après de longues luttes, n’a pas eu encore le loisir de les façonner à son image, et ces contrées ont gardé en maints endroits leur aspect primitif. Depuis quelques années cependant, depuis surtout qu’une organisation plus ferme régit le Canada, l’attention des hommes d’état de l’Angleterre commence à se porter sur cette bande de terrain qui s’étend du Saint-Laurent aux États-Unis, et comprend deux provinces, la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick.

En abordant la Nouvelle-Écosse, nous touchons encore une terre qui fut française, l’Acadie si chère aux vieux Canadiens. Cette presqu’île n’a pas moins de cent dix lieues de long sur trente-cinq à quarante de large. La grande baie de Fundy la sépare du Nouveau-Brunswick, auquel l’Acadie ne tient que par une étroite langue de terre. C’est au milieu de cette baie et au fond d’une anse bien abritée que l’on trouve Annapolis, l’ancien Port-Royal des colons français, qui en avaient fait la capitale de l’Acadie entière. Soixante maisons, voilà tout ce qui reste aujourd’hui de cette métropole, qui eut deux sièges à soutenir ; là comme à Louisbourg, dans l’île du Cap-Breton, les habitans ont été chassés de leurs demeures, et se sont dispersés au loin, ne laissant aux vainqueurs que des ruines. Au midi de la presqu’île s’étendent de vastes terrains encore incultes ; on y rencontre en abondance le renard, le daim et surtout le moose-deer (cervus alces). Là aussi campent les restes des tribus indiennes Micmac et Mélicète,