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la veille, et que l’Angleterre considérait comme un appendice de son nouvel empire, fut tout ce qui lui resta. Était-ce assez pour consoler la Grande-Bretagne des pertes qu’elle venait d’essuyer ? Non, assurément. Cependant l’émancipation des États-Unis rendait l’acquisition du Canada plus précieuse aux yeux de l’Angleterre. Durant la guerre de l’indépendance, le gouvernement britannique y avait trouvé un point d’appui et de résistance contre les colonies rebelles à la paix, il s’occupa de donner à ce pays, devenu le centre de ses possessions en Amérique, une organisation politique mieux en harmonie avec ses destinées futures. Il s’agissait de relier entre elles des provinces isolées, d’imprimer à l’administration du Canada une marche plus ferme, et cela sans trop s’aliéner l’esprit de colons étrangers, fort attachés à leurs coutumes anciennes, qui parlaient une autre langue et professaient une religion différente. Les hostilités qui éclatèrent de nouveau entre les États-Unis et l’Angleterre en 1842 retardèrent l’exécution de ces projets. Le Canada continua d’être ce qu’il avait été trop long-temps, une contrée malheureuse que se disputaient deux ennemis puissans et acharnés. Ce ne fut qu’en l 815 que l’Angleterre put se regarder comme définitivement établie sur les bords du Saint-Laurent.

À partir de cette époque, les sujets de la Grande-Bretagne commencèrent à émigrer en plus grand nombre dans le Canada. Les nouveaux colons s’établirent pour la plupart dans la partie supérieure du fleuve et sur les bords des lacs Ontario, Érié et Huron ; ce territoire, qui portait le nom de Haut-Canada, était soumis au régime colonial. Le Bas-Canada, formé des comtés de la partie inférieure du Saint-Laurent, et dans lequel dominait la race française, avait conservé quelque chose de son organisation primitive : il était régi presque entièrement par les coutumes de Paris. Chacun de ces deux états avait son gouverneur spécial et son conseil colonial particulier.

Cette combinaison politique et administrative eût réussi sur tout autre point du globe ; mais les États-Unis sont un dangereux voisinage. Même quand ils s’abstiennent de faire de la propagande, ils convient les colonies du Nouveau-Monde à l’indépendance par leur exemple et par le spectacle de leur prospérité. Qu’est-ce donc quand ces colonies, fatiguées d’obéir aux lois de la métropole, jalouses de se gouverner par elles-mêmes, font un appel aux sympathies des Anglo-Américains ? Après vingt-trois ans d’une paix profonde, le Canada se trouva mécontent de son sort. Quelques restrictions apportées au commerce blessèrent un certain nombre de colons nouveaux ; les vieux Canadiens, dont le patriotisme sommeillait depuis long-temps, furent pris d’un subit amour de la liberté. L’élément irlandais, nombreux partout où porte le courant de l’émigration, se mit de la partie ; les soulèvemens de 1838 éclatèrent. Ce qui donnait à ces soulèvemens un caractère sérieux,