Saint-Laurent au contraire, où l’émigrant devait travailler avec persévérance et de ses propres mains pour se nourrir, une population laborieuse et rangée défricha le sol. Des villes florissantes, Québec, Montréal, les Trois-Rivières, s’élevèrent dans le Bas-Canada ; on y comptait en outre un nombre assez considérable de villages dont les noms français attestent encore aujourd’hui l’origine. De robustes fermiers, que ne rebutaient pas les rigueurs d’un hiver comparable à celui de la Russie, avaient planté de rians vergers autour de leurs cabanes de bois. Du côté du sud-ouest, les défrichemens venaient effleurer les bords du lac Ontario ; le fort Niagara, bâti auprès des grandes cataractes, en marquait les limites extrêmes. Dans le nord, l’âpreté du climat s’opposait à ce que les plantations s’étendissent bien avant dans les terres ; mais au midi, sur la rive droite du Saint-Laurent, la colonie tendait à s’accroître le long de la rivière Sorel, dans les solitudes boisées que baigne le lac Champlain, et par-delà le cours capricieux de la Miramichi. Vers le sud-est, cette partie du Canada que l’on nommait l’Acadie, — et qui correspond aux provinces actuelles de Nouveau-Brunswick et de Nouvelle-Écosse, — complétait les possessions françaises. Déserte et sauvage depuis les environs de Québec jusqu’auprès de la baie de Fundy, l’Acadie était mieux peuplée aux abords de l’Océan ; sa capitale, Port-Royal (appelée plus tard Annapolis en l’honneur de la reine Anne) comptait un millier d’habitans. Enfin, dans l’île du Cap-Breton, en face de Terre-Neuve, et sur le détroit qui conduit au golfe Saint-Laurent, la ville de Louisbourg, alors aussi peuplée que Québec, abritait dans son vaste port et derrière ses imposantes fortifications les forces navales que la, France entretenait sur ces côtes pour les garder.
Indépendamment des colons sédentaires et vivant en société, le Canada était devenu la patrie d’une foule d’aventuriers qui poussaient dans toutes les directions leurs expéditions hasardeuses. Les uns, chasseurs intrépides, poursuivaient le castor, l’ours et le caribou dans les étangs, dans les forêts et au flanc des montagnes, où jamais avant eux le bruit d’une arme à feu n’avait retenti ; les autres, rameurs infatigables, exploraient les affluens du Saint-Laurent et allaient hiverner au bord des grands lacs pour y faire le commerce des pelleteries avec les Hurons, les Iroquois et les Algonquins. Il y avait donc là le germe d’une colonie puissante, solidement établie à son centre et rayonnant, sur un vaste territoire. Sa prospérité se fût accrue avec la paix ; la guerre la ruina d’abord, puis nous la fit perdre. L’Angleterre avait long-temps convoité ces provinces du Canada, dont la possession lui assurait la suprématie sur le continent américain et sur tout le littoral, depuis la Caroline du sud jusqu’aux régions glaciales. Quand ses propres colonies se furent détachées d’elle, cette colonie étrangère, conquise