Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/949

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

guerriers. C’est là de l’art en même temps que de l’inspiration. Chez Arnaud Vidal, la recherche est restée, elle s’est encore subtilisée, raffinée, mais l’art et l’inspiration ont disparu.

On est vraiment étonné, en parcourant ces compositions si généralement pauvres et vides, de la patience qu’il a fallu à l’éditeur, M. Noulet, pour rétablir avec le soin scrupuleux qu’il y a porté ces produits « d’un art sans charme, » comme il les appelle lui-même, et d’une langue qui n’est plus. L’étude de la langue romane n’a plus aujourd’hui qu’un intérêt d’érudition ; il faut cependant la savoir à fond pour lire ces copies souvent fautives, chargées d’abréviations, d’élisions, et entièrement dépourvues de ponctuation. M. Noulet a fait ce travail ingrat comme s’il s’agissait d’écrivains illustres ; il s’est aidé des conseils d’un ancien collaborateur de Raynouard, M. Léon Dessalles, employé à la section historique des archives nationales à Paris, membre de la société des antiquaires de France, et on peut dire qu’il est arrivé comme éditeur et traducteur à une sorte de perfection. Il est malheureux que la matière ne réponds pas à un soin si consciencieux et si savant.

Dans le nombre de ces poésies, il en est pourtant quelques-unes de remarquables. La première qui me frappe par un certain accent poétique se distingue en même temps par un sentiment patriotique nouveau, le sentiment français. C’était en 1451 ; Charles VII régnait à Paris, les Anglais avaient été chassés du nord de la France par Jeanne d’Arc vingt ans auparavant, mais ils occupaient encore une grande partie du royaume. Le 3 mai, le collége des sept troubadours donna la violette d’or à maître Raymond Valade, notaire royal à Toulouse, pour un vers en l’honneur de notre souverain seigneur le roi de France. Ce vers est une véhémente apostrophe aux Anglais pour les sommer de quitter la France, en les menaçant des armes de Charles VII. Le sentiment de la nationalité française commençait donc à devenir puissant même à Toulouse, dans ce pays qui n’était réuni à la France que depuis deux siècles, et où on ne parlait encore que l’ancienne langue provençale.

Voici la traduction à peu près littérale de la première strophe :

À vous, ô roi, que l’on dit d’Angleterre,
Fais à savoir que si vous ne rendez
Ce que chez nous occupé vous avez,
Par roi français aurez cruelle guerre ;
Point ne pourront oncle, frère, cousin,
Vous épargner sévère réprimande,
Si tout confus vous ne partez enfin,
Car Dieu le veut, et bon droit le commande !


Le reste est en couplets de huit vers de dix syllabes à rimes croisées exactement conformes au premier et terminés tous par ce refrain qui rappelle le cri des croisades :

Car Dieu le veut et bon droit le commande !
(Quar Dieus o vol et bon dreyt o requier !)

Il est vrai que Raymond Valade n’avait pas un grand mérite à prendre ce haut ton avec le roi d’Angleterre, car, au moment où il écrivait, Dunois entrait en