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guerre qu’un prétexte à caricatures ; dans la légende de Saint Antoine qu’une occasion d’inventer des figures grotesques. Comme un autre satirique français, Mathurin Régnier, qui l’avait précédé à Rome, il affectionnait les types vulgaires, les guenilles, les difformités et jusqu’aux plaies de la débauche. Aussi les œuvres de ces deux hommes, qu’il est permis de rapprocher l’un de l’autre, exhalent-elles une odeur de mauvais lieu qui les déshonore ; elles étalent avec une franchise qui va jusqu’à l’impudeur le goût des objets dégradés, de la réalité rebutante : toutefois la vigueur de l’expression n’y dégénère pas toujours en cynisme, la vérité des tableaux n’y est pas toujours effrontée. Régnier et Callot ont tous deux le secret de dire positivement ce qu’il faut pour rendre leur pensée claire, alors même qu’elle résulte de l’impression la plus capricieuse ; on doit leur reprocher de s’être trop peu souciés d’en dissimuler la bassesse, mais on ne peut leur refuser le mérite d’avoir peint les laideurs de toute espèce dans un style ferme, beau de netteté, et d’avoir donné, chacun dans sa langue, une forme précise et vraiment nationale à cet art de la satire ; ébauché dans les caricatures et dans les pamphlets de la ligue.

La gravure à l’eau-forte, rarement pratiquée en Allemagne depuis la mort d’Albert Dürer, n’avait fait aucun progrès dans les autres pays. En Italie, le Parmesan, après lui Palme le jeune, les Carrache et le Guerchin s’étaient servis de ce procédé moins en graveurs qu’en peintres, n’y cherchant, à ce qu’il semble, qu’un moyen d’esquisse pour leurs tableaux. Callot fut le véritable créateur du genre. La pointe acquit sous sa main une légèreté et une hardiesse que ne présageaient, point les essais antérieurs, essais à la fois rudes et lâchés ; elle imita l’allure vive et rapide du crayon dans le mouvement des figures, la rigueur de la plume, sinon celle du burin dans la décision des contours ; en un mot, en donnant à ses planches l’aspect de la correction sans leur ôter l’apparence d’improvisation nécessaire aux œuvres de cette sorte, Callot détermina la nature et les conditions spéciales de la gravure à l’eau forte. Pour la première fois, l’art français attira l’attention des Italiens : Stefano della Bella, Cantarini et jusqu’à Canta Gallina, qui ne dédaigna pas de copier les estampes de son ancien élève, le Génois Benedetto Castiglione, beaucoup d’autres, tentèrent, avec plus ou moins de succès, de s’approprier la manière du graveur de Nancy, et lorsque celui-ci revint se fixer en France, où sa réputation l’avait devancé, il y trouva des admirateurs plus nombreux encore et une foule de jeunes gens avides de recevoir ses leçons. Présenté à Louis XIII, qui lui avait commandé de graver le Siège de la Rochelle, il fut accueilli à la cour avec une considération singulière, qu’on lui refusa quelques années plus tard lorsqu’il eut le courage de résister aux volontés du cardinal. On sait qu’après la prise de Nancy (1633) sur le duc de Lorraine, souverain de Callot, Richelieu, voulant