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et Pétrarque s’adressaient réciproquement des ouvrages entiers de Tite-Live et de Cicéron qu’ils avaient laborieusement transcrits, des artistes de profession ou des moines essayaient de populariser les compositions des maîtres en les retraçant sur le vélin des missels.

Il existait cependant un procédé dont les orfèvres se servaient pour reproduire en petit des portraits ou certains sujets de peu d’importance, et qu’ils employaient le plus habituellement dans l’ornementation des vases sacrés et des canons d’autel. L’art de graver en creux avait été connu des anciens, nous le répétons ; mais le perfectionnement, sinon l’invention du procédé dont il s’agit, était, au milieu du XVe siècle, d’origine encore assez récente. On remplissait les tailles, creusées par le burin dans une plaque d’argent ou d’argent et d’or, d’un mélange de plomb, d’argent et de cuivre en fusion. Ce mélange de couleur noirâtre (nigellum, d’où niello, niellare) laissait à découvert les parties non gravées et s’incrustait en se refroidissant dans les tailles où on l’avait introduit. Alors la plaque, soigneusement polie, présentait à l’œil un dessin à deux ou trois tons selon le nombre des métaux dont elle était formée, et l’opposition sur une même surface de parties ternes et de parties brillantes. Vers 1450, ce genre de gravure était fort de mode en Italie, surtout Florence, où se trouvaient les plus habiles niellateurs. L’un d’eux, Maso Finiguerra, était, comme beaucoup d’orfèvres de cette époque, à la fois graveur, dessinateur et statuaire ; mais ni les dessins qu’il a laissés, ni les bas-reliefs en argent ciselés par lui de moitié avec Antonio Pollaiuolo, et que l’on voit au Baptistère de Florence, ni ses nielles, n’auraient suffi peut-être pour recommander son nom à la postérité : l’invention de l’art d’imprimer les estampes l’a immortalisé.

Quoi de plus simple cependant en apparence que cette découverte ? Comment n’avait-elle pas eu lieu plus tôt ? On a peine à le comprendre, non-seulement lorsqu’on se rappelle que, dans plusieurs pays, la gravure en relief on gravure sur bois était déjà pratiquée, mais aussi lorsqu’on songe que les niellateurs avaient coutume de prendre avec de la terre grasse une empreinte de leur travail, avant de l’émailler. Il semble que l’idée d’obtenir une épreuve au moment où la planche venait d’être niellée, c’est-à-dire quand le noir n’était pas encore devenu solide, aurait dû se présenter tout naturellement à l’esprit et amener par induction au complément du procédé ; mais il est aisé de critiquer ainsi après coup et d’indiquer la marche à suivre, lorsque le but a été atteint. Qui sait si nous-mêmes nous ne sommes pas sur le seuil de plus d’une découverte, et si notre aveuglement actuel ne fera pas à son tour l’étonnement de ceux qui viendront après nous ? Quoi qu’il en soit, Finiguerra résolut le problème en 1452. Il faut le redire pour éviter toute confusion : à cette époque, on connaissait