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simple quant au procédé, exige cependant une très grande habileté matérielle. Lorsque les contours ont été décalqués et transportés du dessin sur une planche formée le plus ordinairement de cuivre rouge, on entame le métal avec un outil acéré qu’on nomme la pointe sèche. Ensuite on creuse plus profondément chaque taille, ou bien on en pratique de nouvelles avec le burin, qui, en vertu de sa forme, agit par incisions angulaires. Cet instrument, dont le maniement est très pénible, doit exprimer par des tailles plus ou moins serrées ou dirigées en divers sens, par des points et par des hachures, la forme et l’effet de tous les objets figurés dans l’original. La gravure en taille-douce ou au burin pur ne dispose pas d’autres ressources ; encore, aux difficultés que présente l’emploi d’un instrument rebelle, faut-il ajouter la lenteur des opérations et l’impossibilité presque absolue de réparer les erreurs commises. La gravure à l’eau-forte, long-temps employée par les armuriers dans le travail de la damasquinerie, fut, dit-on, appliquée pour la première fois à l’exécution des estampes par Albert Dürer. Depuis lors, elle a séduit une foule de dessinateurs et de peintres, parce qu’elle ne nécessite qu’un très court apprentissage et qu’elle est de tous les genres de gravure le plus expéditif. Les graveurs en taille-douce ont associé plus tard le travail de l’eau-forte à celui du burin, surtout dans la préparation de leurs planches, et c’est au mélange de ces deux procédés que l’on doit plusieurs œuvres admirables ; mais il ne peut être question ici que de la gravure à l’eau-forte réduite à sa simplicité première. L’artiste qui a recours à ce moyen n’a pas à creuser des tailles laborieuses. Il dessine avec la pointe, sur une planche de cuivre enduite. d’un léger vernis, des traits aussi libres que ceux du crayon, et ces traits, qui n’existent d’abord qu’à la surface, acquièrent la profondeur nécessaire lorsqu’on a versé sur le métal, entouré d’une sorte de digue, une certaine quantité d’eau-forte. On laisse le corrosif mordre plus ou moins long-temps, en proportion de l’effet qu’on veut obtenir, et la planche, remise à sec, se trouve en état de fournir des épreuves. Les quatre modes de gravures qui viennent d’être mentionnés sont les seuls dont on ait fait usage en Europe depuis le XVe siècle jusqu’au commencement du XVIIe, époque comprise dans la première partie de ce travail. Nous ne devons donc rien dire encore de quelques procédés plus récens ; nous en indiquerons le caractère à mesure que le moment où ils ont été inventés viendra dans l’histoire de l’art.

Par une coïncidence singulière, la découverte de l’imprimerie et celle de l’art de tirer sur papier les épreuves d’une planche gravée en creux furent à peu près simultanées. Jusque-là, les copies peintes ou dessinées avaient été les seuls moyens pratiques de multiplier les chefs-d’œuvre. Personne, même parmi les plus célèbres, ne dédaignait de descendre souvent à cet humble métier de copiste, et, tandis que Boccace