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crayon est donc plus que convenable, il est nécessaire dans les sujets satiriques ou d’un intérêt actuel ; on peut même y recourir avec succès, — lorsqu’il s’agit de traiter certains sujets d’un autre ordre, les paysages de genre par exemple et ces compositions d’une poésie un peu superficielle qui, depuis plusieurs années, se sont multipliées en France. Les progrès accomplis dans ce qu’on appelait autrefois « la peinture de chevalet » ont permis aux jeunes peintres de se pénétrer à leurs débuts de la science de l’effet, et de comprendre aisément les conditions d’un art qui tend à séduire plus qu’à émouvoir. De là cette multitude de talens agréables, une adresse de main commune à presque tous, et une certaine vérité d’imitation inaperçue ou négligée autrefois ; de là aussi un ensemble d’œuvres que la lithographie était singulièrement propre à interpréter, et qui ont trouvé sans peine d’heureux traducteurs parmi les dessinateurs contemporains.

Les limites de la lithographie ayant été bientôt déterminées, l’art ancien recouvrait son domaine et ses privilèges, lorsque des tentatives d’une autre nature vinrent de nouveau tout mettre en question. Vers 1833, le procédé Collas, — c’est-à-dire la gravure, par la mécanique, des médailles et des bas-reliefs, — sembla devoir supprimer absolument, dans l’imitation de ces objets d’art, l’emploi du burin manié, et quelques années plus tard, à l’apparition du daguerréotype, on crut pour le coup qu’il n’y avait plus qu’à reléguer la gravure dans la classe des vieilleries hors d’usage, à côté des sabliers, des fusils à rouet et de tant d’autres inventions anéanties par le progrès des derniers siècles. Que souhaiter en effet de plus satisfaisant qu’un appareil au moyen duquel la nature se dépose et se fixe d’elle-même sur le métal ? Quelle copie peut être aussi exacte, quel résultat aussi complet ? Il se pouvait que la peinture, avec ses conditions à part d’imagination et de coloris, n’en fût qu’à demi atteinte ; mais la gravure, qui n’imagine rien, qui n’a d’autres ressources d’effet que le blanc et le noir, d’autre fin que l’imitation d’un original, soutiendrait-elle la comparaison avec ce mode de production inévitablement fidèle ? — Au premier abord, le doute même n’était pas permis ; il faut ajouter toutefois qu’en posant ainsi la question, on ne l’envisageait qu’à un seul point de vue. Si les œuvres d’art n’avaient à offrir que des procès-verbaux dressés d’après la réalité, si une estampe devait être uniquement le fac-simile d’un modèle, certes l’infaillibilité des appareils de MM. Collas et Daguerre l’emporterait à juste titre sur le talent ; mais tout sera-t-il dit parce qu’un objet aura été servilement imité, et ne s’agit-il pas aussi pour l’imitateur de montrer ce qu’il a senti à propos de cet objet ! N’est-ce pas cette impression rendue visible qui, non moins que l’exactitude, fait le mérite de toute espèce de portrait ? Que l’on compare une tête sculptée, par un statuaire habile à un masque moulé sur nature, ou, pour citer un