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de nos graveurs, indice peu honorable pour nous de l’indifférence où cette supériorité nous laisse ! Et même ne sommes-nous pas un peu plus qu’indifférens sur ce point ? Savons-nous seulement les noms de ces artistes habiles que nous ne voulons ou que nous ne pouvons pas encourager ? Si nous ignorons ce que valent les talens contemporains, conservons-nous au moins le souvenir de ceux qui, pendant plus de deux siècles, ont illustré notre pays ? Il semble permis d’en douter et de supposer à plus forte raison que l’histoire de la gravure chez les autres nations ne nous est pas très familière. Peut-être y a-t-il opportunité à appeler l’attention sur les travaux du burin en général et sur les œuvres de nos graveurs, au moment où celles-ci justifient moins que jamais notre froideur et notre parcimonie ; peut-être, en plaçant en regard des phases que l’art a successivement traversées un aperçu de la situation où se trouvent aujourd’hui les écoles, réussira-t-on à prouver que l’école française se maintient encore au premier rang, et que les talens d’un ordre élevé y sont moins rares que partout ailleurs.

Les estampes que nous avons prises comme types de la gravure en Italie, en France, en Angleterre, en Allemagne et aux États-Unis, se recommandent à des degrés divers par les qualités propres à chacune des écoles qui les ont produites ; elles ne résument cependant ni à elles seules, ni de la manière la plus éclatante, l’art moderne dans ces différens pays. Si l’auteur de la Madonna alla scodella est le plus éminent des graveurs italiens de notre époque, MM. Mercurj et Calamatta méritent certes d’être nommés après lui ; il y aurait une extrême injustice à citer MM. Jules et Alphonse François de préférence à M. Henriquel-Dupont, leur maître, qu’ils sont encore loin d’égaler, de préférence à M. Richomme, à M. Desnoyers, talent magistral dont l’âge n’a pu diminuer la vigueur, de préférence enfin à plusieurs autres artistes français que des œuvres antérieures ont mis au nombre des plus habiles : en Angleterre, en Allemagne et aux États-Unis, MM. Lewis, Steinla et Sadd comptent, eux aussi, des rivaux dans les genres si dissemblables qu’ils ont adoptés ; mais les planches que nous avons signalées, offrent le spécimen le plus récent de l’état de la gravure en Europe et en Amérique, et c’est à ce titre surtout qu’elles ont été choisies. Nous essaierons plus tard, en parlant avec détails de la gravure au XIXe siècle, de les placer à leur rang ; quant à présent, nous ne chercherons pas à en apprécier le mérite absolu ou relatif ; nous ne voulons y trouver encore qu’une occasion d’observer les tendances caractéristiques de l’art français et de l’art étranger, et d’examiner le passé pour juger plus sûrement le présent. Cependant, avant de suivre la marche des diverses écoles, il faut dire quelques mots de certains obstacles suscités de nos jours au développement de la gravure.

L’espèce de défaveur qui s’est attachée aux travaux du burin n’a pas