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qui sont le péril des périls : ce serait plutôt la manière dont s’y prendront, pour arriver à leurs fins, tous ceux qui se proposeront de remédier au paupérisme, d’améliorer l’état des finances, de poursuivre un résultat quelconque. Sur toute question à résoudre, qui l’emportera des sages ou des ignorans, des honnêtes ou des malhonnêtes ? Là est le dilemme. Les barrières sont tombées ; les folles exigences et les passions agressives ne manqueront pas d’en profiter, comme elles l’ont fait ; chaque jour elles seront à leur poste. Soit ! Elles aussi sont nécessaires comme les calomnies le sont pour que celui qui a bien agi fasse mieux encore et les confonde, elles le sont comme les tentatives d’émeutes sont utiles pour faire sentir l’urgence d’une force permanente capable d’inspirer à tous le sentiment de la sécurité ; mais il faut qu’elles trouvent à qui parler, il faut que les erreurs fassent sortir de terre les réfutations, et que les funestes tendances amènent l’organisation d’une force permanente. Un peuple libre est une société d’hommes qui se chargent de faire leurs propres affaires. S’ils ne savent pas se protéger eux-mêmes, les lois préventives ne sont rien moins qu’une nécessité pour les faire vivre.

Jusqu’à quel point la ligue de toutes les sagesses et de toutes les honnêtetés pourrait-elle contenir ce qui demande à être contenu ? Le dire au juste est difficile. Ce qu’il est permis d’affirmer, c’est que la mesure de la liberté que nous pourrons supporter sera mathématiquement proportionnée à l’efficacité de la police que nous ferons par nous-mêmes. S’il y a un nombre donné d’étourderies pour abuser d’un droit, jamais ce droit ne sera accordé, à moins qu’il ne se rencontre assez de saine raison appuyée d’assez d’énergie pour dominer les étourderies. Avant tout, moi aussi j’aime les institutions libres, parce que chaque droit accordé est un nouveau champ ouvert à des énergies qui, bien employées, peuvent faire le bien. Je les aime et je les désire d’autant plus qu’à mon sens les peuples qui ne seront pas capables de se passer d’une tutelle n’ont plus rien de grand à faire dans ce monde. C’est parce que j’ai cette foi que je m’adresse à tous ceux qui la partagent, afin qu’au nom de la liberté ils disputent pied à pied le terrain à tous ceux qui défendent sa cause de manière à rendre inévitable pour nous le retour d’une tyrannie, d’une tutelle comme il en faut aux enfans.


J. MISAND.