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n’est encore qu’une partie de la sincérité ; il faut, en outre se rappeler qu’on a une intelligence limitée, et que chacun doit fournir tous les renseignemens à sa connaissance pour aider les autres à faire mieux encore que lui, s’ils le peuvent, et à découvrir en quoi lui-même a failli.

Ces exigences paraîtront peut-être bien hautes. Hélas ? oui ; elles ne peuvent même paraître que telles, tant nous sommes encore loin de cette franchise, tant nos publicistes sont loin de mettre leur orgueil non à expliquer les faits sur le papier, mais à faire montre d’un esprit large et capable de discerner mille particularités. À peine notre presse en est-elle à se prendre au sérieux. Ses organes les plus graves, sans s’apercevoir de ce qu’ils faisaient, ont admis des feuilletons dont eux-mêmes méprisaient la portée morale, et auxquels ils fournissaient pourtant les moyens d’empoisonner les esprits. S’il y a eu quelques honnêtes et quelques capables, les tribunes de la publicité ont pour ainsi dire été envahies à côté d’eux, comme les emplois aux jours de révolution, par les premiers venus. Ceux qui les occupent sont là parce qu’ils y sont, on n’en voit guère d’autre raison. Rien, dans leur manière de remplir leurs fonctions, n’indique qu’ils aient été jugés par personne (par les journaux ou le public), ni qu’ils aient été admis à cause de ce qui était en eux. Ce qui est presque général chez eux, c’est une allure sans façon, un je ne sais quoi auquel on reconnaît l’homme qui se fait un jeu de décider sans se croire obligé de décider de son mieux, sans avoir pris la peine d’examiner. Songe-t-on bien à ce que peut devenir un pays qui, chaque jour, est habitué à voir ainsi devant lui des êtres qui se donnent des rôles et qui ne tiennent point à les bien remplir, qui montent sur un tribunal et qui ne comprennent pas même quelle importance il peut y avoir à ce qu’ils fassent oui ou non preuve de bonne volonté, à ce qu’ils rendent oui ou non honneur en eux à la nature humaine ? Songe-t-on bien aux populations d’imitateurs, à la jeunesse de tout âge qui s’accoutumera à trouver naturelles ces allures effrontées, à penser que rien n’est beau comme d’être Pasquin ? Qui peut dire, par exemple, tout le mal qu’ont fait certains comptes-rendus de nos séances parlementaires, qui s’amusaient à traduire la politique en caricatures ? Il n’en fallait pas davantage pour persuader à l’opinion publique que, lorsqu’on veut parler d’un orateur, on n’a point à s’inquiéter de donner une idée de ses opinions réelles, et que toute honnêteté se réduit à le tourner le plus possible en ridicule, du moment où on le trouve soi-même ridicule.

Ajoutons que la légèreté n’a pas manqué d’être accompagnée de ses satellites ordinaires. Excepté l’Italie et probablement l’Espagne, nous sommes peut-être le pays où les engouemens enfantins et toutes les