Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/882

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de Théodose et berceau de sa famille, qui se vantait de remonter à Trajan. Une fois décidé, Ataülf envoya à tous ses Visigoths l’ordre d’évacuer la Gaule et de se tenir prêts à partir au printemps de l’année 415.

Une aventure, dont Paulin, fut l’auteur principal et le narrateur, nous peint assez bien la double anarchie qui régnait au sein de ces bandes féroces, ou que l’excès de la misère développait tout à coup parmi les populations gauloises. La garnison visigothe de Bordeaux, peu soucieuse de s’en aller les mains vides, résolut de piller la ville à son départ ; toutefois quelques Goths, plus humains que les autres, prévinrent leurs hôtes dont ils prirent la demeure sous leur sauvegarde. En sa qualité d’intendant des largesses d’Attale, Paulin comptait être épargné ; mais il en fut tout autrement : les Goths se firent un malin plaisir de tourmenter le ministre de leur protégé ; ils dévastèrent sa maison de fond en comble, l’en chassèrent et y mirent le feu en le félicitant du bonheur qui lui restait de sauver sa tête. Le malheureux Paulin gagna, comme il put, avec sa vieille mère, ses serviteurs et ses servantes, la ville de Bazas, sa patrie d’origine ; mais Bazas se vit à son tour assiégée par une armée composée des sujets d’Ataülf et des Alains du roi Goar, qui s’étaient joints aux Visigoths, en 412, après la mort de Jovinus. Il existait entre ces confédérés une défiance et une aversion secrètes ; les Alains, fatigués de la suprématie arrogante des Goths, répugnaient à passer en Espagne, et guettaient une occasion de se débarrasser de leurs tyrans, de sorte que les deux bandes campaient séparément devant la ville, s’observant l’une l’autre avec soupçon. Instruits par l’exemple de Bordeaux, les habitans de Bazas faisaient bonne contenance, quand un complot intérieur vint compromettre leur sûreté. Les esclaves, excités par quelques jeunes gens de condition libre, qui n’avaient rien à perdre et tout à gagner au désordre, projetèrent de faire main-basse sur les nobles, de les égorger tous et de les piller. Paulin devait figurer dans ce massacre comme la première victime ; il allait être frappé, quand une main inconnue frappa son assassin, et mit les magistrats sur la voie du complot. Plus effrayé que jamais, il quitta Bazas pendant la nuit, et se rendit au camp de Goar, espérant s’y procurer toutes les facilités possibles pour gagner la campagne.

Ce pêle-mêle de gens civilisés et de barbares, qui faisait depuis sept ans l’état habituel des Gaules, donnait naissance à des rapports d’amitié ou d’inimitié qui eussent passé pour fabuleux un demi-siècle auparavant. C’est ainsi que le petit-fils du consul Ausone, poète comme lui, quoique fort mauvais poète, était l’ami de Goar. Il appelait son cher roi ce sauvage du Caucase, qui mettait pour housse à son cheval la peau tannée de ses ennemis, mais dont le caractère, à ce qu’il parait,