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de prétendues révélations, par des ombrages de toute sorte dont il remplissait cet esprit irritable. Après s’être débarrassé de la rivalité de Jovinus au moyen des Visigoths, il cherchait maintenant à se délivrer de l’amitié de ceux-ci en les laissant mourir de faim. Ataülf, las de réclamer en vain, prit le parti de passer en Aquitaine, où il se mit à piller.

Grace aux succès politiques de Dardanus, la Gaule, plus qu’à moitié déblayée, pouvait se renouer au gouvernement central. Le maître des milices, Constantius, envoyé d’Italie avec des pouvoirs très étendus, vint s’installer dans le palais d’Arles et y ramena les administrations dispersées. Les recherches commencées par Dardanus contre les nobles gaulois complices des dernières usurpations furent poursuivies avec un surcroît d’activité, et plusieurs notables de l’Arvernie et du Lyonnais périrent dans les supplices. Quant aux affaires de la guerre, qui regardaient plus particulièrement Constantius, il les dirigea avec intelligence. Les bandes mi-gauloises, mi-barbares qu’avait amenées Jovinus finirent par se dissoudre ; les Burgondes de Gunther regagnèrent la Transjurane, où ils s’étaient installés l’année précédente, et quant aux Alains de Goar, ne possédant pas un pouce de terre en Gaule, ils se joignirent aux Goths, qui cherchaient comme eux un établissement. La mission de Constantius regardait surtout ces derniers ; il avait reçu l’ordre de les pourchasser à outrance, malgré l’apparence d’amitié que la cour de Ravenne voulait conserver avec eux, et surtout de faire cesser, par tous les moyens possibles, cette captivité de Placidie, humiliante pour l’empereur, déshonorante pour l’empire.

Constantius, Pannonien de naissance, était du petit nombre des généraux romains d’alors qui pouvaient se vanter de n’avoir pas dans les veines une goutte de sang barbare ; et comme à cet avantage il joignait un mérite secondaire et beaucoup de bonheur, la réaction opérée dans les affaires de Rome par la chute de Stilicon, et qui avait pour but d’écarter les fonctionnaires barbares, l’éleva subitement au premier rang. C’était un homme honnête, rangé, régulièrement brave, mais vulgaire. Fier de sa belle prestance, il aimait à paraître à cheval en public, à parader devant les troupes, se courbant, se penchant à droite et à gauche, se redressant pour déployer ses graces militaires et montrer sa haute taille[1]. Dans les cérémonies, il marchait ou siégeait

  1. « Inclinans se omnino in equi, quo vehebatur, collum, et sic hùc, illùc, obliquè torquens oculos, ut, quod veteri verbo dicitur, imperio digna forma omnibus appareret. » - Olymp. ap. Phot.. p. 185. Olympiodore, dont il ne nous reste malheureusement que quelques fragmens recueillis par Photius, était contemporain de Placidie, et, après avoir pris part aux affaires publiques, il en avait écrit l’histoire. La perte de ses ouvrages est à jamais regrettable, à en juger par l’intérêt des fragmens qui ont survécu.