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nouvelle armée. Le parti polythéiste, dans tout cela, appuya chaudement Attale, qui était païen, et qui lui procurait une satisfaction ardemment désirée en renversant la maison de Théodose, le grand empereur catholique ; mais les Visigoths, chrétiens de la secte d’Arius, répugnaient à soutenir un prince païen. Alaric, pour tout concilier, imagina de faire baptiser Attale par l’évêque arien Sigesaire, chef du clergé goth et patriarche de cette église ambulante qui roulait d’Orient en Occident, au gré des caprices de la guerre. Il faut dire que, sous le point de vue politique, on mettait alors peu de différence entre un arien et un païen, attendu que toutes les sectes religieuses persécutées par Théodose au profit de l’unité catholique s’étaient donné la main secrètement et se coalisaient pour former un grand parti d’opposition. C’est ce qui fit qu’Attale ne s’aliéna ni les païens de Rome ni le sénat qui les protégeait, en suivant le conseil d’Alaric et recevant le baptême de la main d’un arien.

Quoique pourvu d’un diplôme romain, Alaric n’était pas encore content. Ce qu’il lui fallait, c’était tenir ces dignités de l’empereur légitime, fils du grand empereur Théodose, reconnu seul Auguste par la majorité de l’Occident, car presque partout on repoussait avec indignation l’usurpateur, ou, comme on disait alors, le tyran imposé par les Goths. Il se remit donc à négocier, gardant son empereur à l’attache, près de lui, comme un épouvantail ; et, quand les réponses de la cour de Ravenne prenaient une tournure favorable, il arrachait la pourpre à ce mannequin pour l’en affubler de nouveau, sitôt qu’il recommençait à désespérer. Ce jeu continua quelque temps ; lassé enfin d’attendre toujours, irrité surtout d’avoir été assailli et battu pendant une trêve par son compatriote Sâr, commandant des auxiliaires goths au service de l’empire, il se décida à forcer les portes de Rome. Attale l’y accompagnait, et put contempler de ses yeux les exploits de son maître des milices. Alaric, qui, malgré tout, ne renonçait point au rêve favori de son ambition, emmena donc avec lui et conserva soigneusement sous sa main deux instrumens dont il pouvait se servir suivant les cas, Placidie et Attale, la fille de Théodose et l’ennemi de sa maison.

L’armée wisigothe se dirigea d’abord vers la Campanie, puis vers le Bruttium, pillant tout sur sa route, et menaçant d’un débarquement la Sicile et l’Afrique ; mais Alaric, je l’ai déjà dit, n’était point un vulgaire brigand à qui le butin pût suffire : il lui fallait mieux pour les besoins de son génie ; ce qu’il voulait avant tout, c’était sa place dans cette société régulière, dont il était, bon gré, mal gré, le destructeur. Las de ravager ainsi sans but, il revenait sur ses pas, quand la mort le surprit près de Consentia dans le Bruttium. Ses visigoths firent halte pour lui chercher une tombe. Dans la crainte que des mains romaines, excitées par la curiosité ou la haine, ne violassent la cendre du violateur de