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AVENTURES


DE PLACIDIE


EPISODE DU CINQUIEME SIECLE.




Dans la nuit à jamais mémorable du 24 août 410, où le roi des Visigoths, Alaric, prit et saccagea Rome ; parmi l’or, les pierreries, les riches étoffes, les vases ciselés, les statues de bronze et de marbre, dépouilles de la cité reine du monde, il lui tomba entre les mains un trésor qu’il jugea plus précieux que tous ces trésors amoncelés : c’était une jeune sœur d’Honorius, qui, à l’approche du danger, était venue s’ensevelir sous les ruines de la ville éternelle avec le peuple et le sénat romain, tandis que son frère se cachait derrière les remparts inaccessibles de Ravenne. Elle se nommait Galla Placidia, et elle était d’une merveilleuse beauté. Alaric fut au comble de la joie, non pas d’avoir à sa discrétion tant de jeunesse et de charmes (son cœur ne s’ouvrait guère à de pareils sentimens), mais de tenir un gage qui lui permît de renouer avec Honorius les négociations interrompues. Il avait obéi enfin à cette voix intérieure qui l’obsédait depuis tant d’années en lui criant d’aller piller Rome, et, maintenant que son instinct barbare était assouvi, il ne savait plus que faire de sa conquête, qu’il n’osait pas détruire, et qu’il ne pouvait pas garder. Alaric aspirait à jouer dans le monde un plus noble rôle que celui d’un chef de pillards, à moins toutefois d’attacher son nom à quelque acte audacieux qui effrayât les hommes et rendît sa mémoire immortelle. Sa constante ambition avait