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renseignemens historiques, nous ne trouvons que des paradoxes. Il y a du courage, on ne saurait le nier, à venir prétendre que les réformes étaient prématurées en 1789 ; en vérité, nous voudrions bien savoir quand elles auraient été mûres. Le rôle de la classe moyenne n’est pas étudié plus sérieusement. J’avouerai que je n’ai pas vu sans étonnement M. de Cassagnac saisir le moment même où la bourgeoisie est calomniée et battue en brèche, on sait par quelles armes et par quels assaillans, pour écrire contre elle le plus virulent plaidoyer historique. Jamais, j’ose le dire, les radicaux n’ont à ce point prodigué contre les chefs du tiers-état et contre le parti constitutionnel les accusations d’avidité, d’égoïsme, le reproche d’une ambition lâche et intéressée, dépourvue de toute conviction qui l’ennoblisse et l’excuse. Qu’ils poussent au mouvement ou qu’ils le modèrent, on ne sait leur attribuer que les plus ignobles motifs. Permis sans doute, quand on est gentilhomme, de se ranger du côté de la noblesse et de mépriser le tiers-état, à condition pourtant qu’on mette à le lui témoigner un peu plus de mesure ; permis à l’auxiliaire inattendu de M. Louis Blanc de travailler à dépopulariser la bourgeoisie encore davantage : je comprends enfin qu’un journaliste qui cherche des argumens pour sa cause ne trouve guère dans les révolutions de 1789 et de 1848 qu’une conclusion exclusive à tirer contre les tiers-partis ; mais il y a des préjugés, bien ridicules sans doute, qu’il serait peut-être convenable et prudent de ne pas heurter de front, ce préjugé bourgeois, par exemple, qui s’imagine bonnement que Bailly et Lafayette étaient au moins d’honnêtes gens. Si l’histoire du parti constitutionnel en 89 n’est qu’un tas d’immondices, j’ignore quel plaisir on trouve à le remuer et le profit qu’y gagnera la cause de l’ordre que l’on dit servir. Pourquoi ne pas s’en reposer là-dessus sur les Pères Duchêne de la montagne ?

Je me garderai bien d’accorder à l’Histoire des Causes de la Révolution un mérite de nouveauté. Au fond, toutes ces prétendues hardiesses sont assez connues, et il y a long-temps qu’elles dorment dans les factums contre-révolutionnaires. Il faut donc le constater à regret : la tâche si belle qu’on pouvait se proposer vis-à-vis de la révolution de 89, jugée enfin non plus au point de vue des partis ou des passions populaires, mais au seul point de vue de l’intérêt social, cette tâche que la révolution de février rendait à la fois plus facile et plus opportune n’a pas trouvé encore, parmi les adversaires du radicalisme, un écrivain prêt à la remplir.

Que dire maintenant des hommes du parti contraire ? Tandis que M. de Cassagnac reprenait la tradition des écrivains ultra-monarchiques d’avant 1800, l’école radicale restait fidèle à la tradition des historiens révolutionnaires d’avant 1848. L’auteur d’une Histoire de la Révolution écrite au point de vue franchement radical, M. Villiaumé, divise très