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mais non alors professée sans éclat, refoulée sous la république et l’empire, tour à tour au pouvoir ou dans l’opposition pendant les quinze années de la restauration, victorieuse en 1830, elle a régné pendant les dix-huit années du gouvernement de juillet, régné, dis-je, sans interruption, pour quiconque ne vient pas s’achopper aux différences et aux détails. Ses défauts d’exécution, si grands qu’ils aient pu être, n’en font pas partie intégrante. Se donnant comme une conclusion à la révolution française, comme une conclusion, notons-le tout de suite, dont le caractère est précisément de n’exclure aucun progrès et de les permettre tous, le système libéral et parlementaire a pour triple fondement la liberté garantie et réglée, l’égalité civile, le gouvernement représentatif, pour moyens inévitables de gouvernement, une certaine pondération dans les pouvoirs, un grand compte tenu des influences naturelles et des faits existans. Sans prétendre que la république et la monarchie soient deux mots vides de sens, deux formes indifférentes, on peut croire que la question libérale et parlementaire, dans sa généralité la plus haute et dans son essence si souple, se pose, pour ainsi dire, au-dessus de leur tête.

Quant au parti trop nombreux qui interprète la révolution par le radicalisme et la démagogie, une première remarque est à faire à son sujet. Tandis qu’entre les partisans du système libéral il n’y a que des nuances plus ou moins accusées, on trouve entre les défenseurs du radicalisme des différences telles qu’elles vont jusqu’à la contradiction mauvais signe pour la vérité de la doctrine ! L’interprétation radicale hésite entre l’hébertisme et Robespierre, entre M. Proudhon et M. Louis Blanc, en un mot entre l’anarchie et le despotisme ; il est juste pourtant de reconnaître qu’en général elle les associe. L’un exigera l’absolutisme comme moyen et une liberté anarchique comme but ; l’autre voudra l’anarchie comme instrument en se proposant le despotisme comme objet final ; là est, avec sa différence essentielle, l’incontestable unité de l’école. Elle aussi a eu son règne, et on s’en souvient ! Elle s’est fait assez connaître sous le nom de comité de salut public. Matée sous l’empire, se cachant dans les profondeurs sous la restauration, frémissante sous le gouvernement de 1830, elle a vu refleurir, de février à juillet 1848, quelques-uns de ses beaux jours d’autrefois. Elle a passé depuis par des phases décroissantes de succès, sans se tenir jamais pour battue : elle espère toujours. Son émigration a commencé dès l’heure où elle a vu reparaître, indignée, un uniforme dans la rue et un peu d’ordre dans la loi ; Londres est son Coblentz. Groupée autour de deux ou trois prétendans qu’elle pousse et qu’elle déborde, on l’entend d’ici, cette émigration révolutionnaire, renchérissant sur celle qu’elle se croit le droit de maudire et de ridiculiser, injurier elle-même ses soldats suivant la date de l’exil et l’antiquité des parchemins,