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il ne s’agit plus d’un mystère, mais d’un chef-d’œuvre de l’art chrétien, de cette fenêtre, le joyau de la ruine ; « fenêtre puissante, creuse à son centre, d’où ont été arrachés les vitraux aux mille couleurs, à travers lesquels pénétraient autrefois, en rayons affaiblis, les célestes gloires, ruisselant du soleil comme des ailes de séraphin. Aujourd’hui tout est désolé et béant. Le vent passe à travers les découpures, tantôt élevé, tantôt faible, et souvent le hibou chante son antienne aux lieux où repose la silencieuse compagnie avec ses alléluias éteints comme une flamme évanouie. » Ces vers, et toute la description d’où ils sont tirés, sont plus brillans que touchans. Ce n’est point un souvenir d’enfance qui inspire au poète de douces pensées au milieu de cette humeur plus grimaçante que plaisante, qui déborde dans le Don Juan. Il a eu besoin de Newstead pour faire une description poétique. Je vois là un morceau d’ornement plutôt qu’un regard jeté sur les années de sa jeunesse, ou un regret donné au manoir de ses ancêtres, désormais dans la possession d’un autre. Lisez la strophe qui vient après : il n’est pas dupe de sa description ; il demande pardon au lecteur de détails « qui, dit-il, le feraient prendre par Apollon pour un commissaire-priseur. » Il se souvenait encore de Newstead ; il ne l’aimait plus. L’avait-il véritablement aimé ? « Qu’il en arrive ce qui pourra, écrivait-il à sa mère en mars 1809, Newstead et moi nous resterons debout, ou nous tomberons ensemble. J’ai maintenant vécu en ce lieu, j’y ai fixé mon cœur ; aucune nécessité, présente ni future, ne me forcera de troquer les derniers restes de notre héritage. Je suis de force à endurer des privations, et dussé-je obtenir, en échange de Newstead-Abbey, la première fortune de ce pays-ci, j’en repousserais la proposition. Mettez votre esprit en paix sur ce point. Je suis un homme d’honneur ; je ne vendrai pas Newstead. » Quelques années après, Newstead était vendu.

Entre le manoir et l’héritier collatéral, il n’y avait qu’un lien d’orgueil aristocratique ; aussi est-il moins à blâmer qu’à plaindre de l’avoir rompu, malgré l’éclat de ses protestations publiques ou domestiques. Après tout, le manoir échu au neveu à défaut du fils n’est pas la maison paternelle. Lord Byron n’était pas né à Newstead. Il avait dix ans quand il y vint pour la première fois ; déjà la poésie fermentait dans sa jeune tête, et bien des pensées impétueuses se jetaient entre les objets et lui. Il ne vit jamais Newstead tel qu’il était. Les images qu’il en a données sont formées de souvenirs et d’une sorte d’idéal classique. L’amour pour la maison paternelle est plus humble, mais plus puissant. Les petits pas de l’enfant en ont mesuré toute l’étendue, ses mains en ont touché tous les meubles ; ses yeux, égarés dans l’horizon des grandes promenades, n’ont bien connu que l’horizon de l’enclos et des bâtimens. L’oiseau a reçu l’empreinte du nid. En y revenant