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Cette sage intention de tout améliorer avec mesure et avec à-propos se révèle encore dans une importante affaire que les cortès vont prochainement avoir à discuter ; nous parlons de la vente des propriétés communales (bienes de propios), qui ne sera pas moins qu’une révolution complète dans l’état de la fortune publique. Les propios, à présent fort mal administrés, accaparés ou pillés par les coqs de village, ont une valeur collective de 500 millions de francs, 2 000 millions de réaux. On croit qu’on trouverait à les vendre trois fois leur valeur actuelle, comme il est arrivé pour les biens des couvons. L’état indemniserait les communes en leur payant annuellement les 3 pour 100 de la valeur actuelle des propios. Le produit de la vente serait consacré exclusivement à des entreprises de chemin de fer et autres travaux publics. Les municipalités, consultées dans une enquête officielle, ont de toutes parts répondu favorablement et reconnu l’utilité de la vente, à la seule condition que les travaux pavés sur les fonds qu’elle produirait auraient lieu dans les localités auxquelles appartiendrait chaque propriété vendue. Les conséquences morales, politiques et financières de cette grande mesure sont incalculables.

L’Orient voit se réveiller un différend que l’on croyait apaisé entre les schismatiques grecs et les catholiques pour la possession des chapelles attachées à l’église du Saint-Sépulcre. Naguère on avait résolu la difficulté par une transaction. Cependant les catholiques se sont laissé peu à peu déposséder entièrement. Aujourd’hui les grecs sont les maîtres à Jérusalem, et ne paraissent point disposés à céder le terrain qu’ils ont conquis.

Il y eut un temps où la France était la protectrice reconnue et sans rivale du christianisme dans l’empire ottoman : cette protection n’était point exclusive, elle s’exerçait au profit de toutes les communions, en faveur de l’église orientale aussi bien que de l’église latine. Depuis que les grandes puissances de l’Europe ont été admises à suivre les voies que la France avait ouvertes en Orient, et à entrer, pour leur propre compte, en rapports directs avec les Turcs et les chrétiens de la Turquie, l’influence de la diplomatie française a beaucoup souffert de cette rivalité, et, il faut le dire, un peu par sa faute. Préoccupée de se montrer catholique plutôt que chrétienne, elle a peu à peu rétréci le cercle de son action, sans s’apercevoir qu’il n’allait plus lui rester qu’un terrain d’une médiocre étendue. Le catholicisme, en effet, est peu de chose en Orient, et là même où il règne, parmi les Maronites du Liban, dans une fraction minime des populations arméniennes et bosniaques, il n’a, pourrait-on dire, qu’une existence précaire. L’église latine, nous sommes bien forcés de le reconnaître, n’a jamais été populaire parmi les peuples chrétiens de l’Orient. Alors même qu’ils en acceptaient le symbole, ils ne subissaient pas la suprématie romaine sans marquer un attachement très vif pour un rite particulier. Le peu de catholiques qui aient échappé à cette tentation innée de se renfermer dans l’enceinte d’une église nationale ne l’ont fait qu’en échange de grandes concessions, et par malheur, l’église romaine n’a pas toujours compris qu’il fallait en faire. Aussi la diplomatie française, en se latinisant plus qu’elle ne le pouvait sagement, s’est-elle enlevé en partie les moyens d’action qu’elle tenait du christianisme. Les puissances rivales en ont fait leur profit. Tandis que l’Autriche catholique essayait de partager avec la France le petit nombre de catholiques dont celle-ci avait embrassé la cause, tandis que l’Angleterre et la Prusse