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elle appelait de France, de Suisse, d’Allemagne, des condottieri pour lui venir en aide dans ses querelles intestines, ainsi de nos jours des étrangers se sont emparés, chez elle, de toutes les industries. De là un découragement profond, une espèce d’apathie qu’on attribue faussement à l’influence de la domination autrichienne, et qui n’est que le résultat du pire des asservissemens : celui qui nous vient de nous-mêmes, et dont nous rejetons la faute sur le monde entier plutôt que de nous l’avouer, tant il en coûterait à notre amour-propre.

Aujourd’hui il est trop tard pour demander à l’Autriche de se faire aimer de ses provinces italiennes. Ce que trente-cinq années d’administration tempérée n’ont point produit ne saurait sans doute être obtenu au lendemain des bouleversemens de 1848 et 49. L’Autriche l’a compris la première, et l’implacable défi que lui ont jeté ses adversaires ne lui laissait, quant à présent, qu’une attitude : la force. Contenir et réprimer, il ne lui reste malheureusement point d’autre parti. De la force et toujours de la force, c’est la loi que les révolutions lui ont faite, et, sans trop regarder si c’est bien ou si c’est mal, elle l’accepte comme un devoir, comme une destinée. « Nous avons l’Italie, et nous la garderons, parce qu’il nous convient de la garder ! » s’écriait le général d’Aspre dans un banquet fameux. Au point de vue de cette sympathie qu’on doit.à une noble nation opprimée depuis des siècles, ces paroles ont quelque chose d’impie et qui vous blesse au premier abord, du moins comme une inconvenance. Cependant, quand on y réfléchit, on se prend à penser qu’un général autrichien n’est point tenu, en pareille occasion, à s’exprimer avec la sentimentalité d’un philosophe humanitaire. « Il faut que je vive ! » telle est au fond la raison suprême de l’Autriche envers ceux qui lui reprochent sa politique inexorable. À cela, bien des cervelles creuses, incessamment occupées à distribuer la carte de l’Europe au gré de leur fantaisie, pourront répondre par l’apostrophe célèbre du duc de Lauraguais à ce fournisseur qui lui demandait de l’argent : « Ma foi ! je n’en vois pas la nécessité. » Toujours est-il que, si cette nécessité n’apparaît point à tout le monde, il semble assez naturel que l’Autriche ne soit point la première à la mettre en doute. Plus tard, quand la situation se sera détendue, on reviendra aux essais de conciliation ; on tentera des réformes, mais avec mesure et à la condition que l’esprit de progrès ne dégénérera point en agitations révolutionnaires. J’aurais même quelque peine à croire que le prince de Schwarzenberg se prêtât jamais à rien de bien significatif. Le prince, dont en toute autre question on ne saurait contester les vues libérales, vis-à-vis de l’Italie persistera long-temps à demeurer l’homme des rigueurs salutaires. L’Italia si pentira ! tel fut l’unique compliment que le ministre président du conseil de l’empereur Franz-Josef trouva à répondre à la députation municipale envoyée