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sa propre ambition, qui lui faisait entrevoir la royauté de la Haute-Italie, Charles-Albert résolut de tenter une dernière fois le sort des armes, et le 12 mai 1849 fut proclamée cette résolution, qu’un ministère composé de représentans du parti milanais pouvait seul prendre sous sa responsabilité. Les hommes modérés et dévoués à la dynastie se retirèrent, et chacun sait ce qu’amena cette politique de casse-cou. Le général Hess, qu’on pourrait appeler le bras droit de Radetzky, naturellement initié dans les moindres détails du plan de campagne du maréchal, avait dit au premier coup de canon : « Si notre armée rencontre les Piémontais à Novare, il n’y a qu’un miracle du Seigneur qui les puisse tirer d’affaire. » Le miracle n’eut point lieu, et les Piémontais furent battus. Engagée à dix heures du matin, la bataille se termina dans la nuit du même jour. Il n’y avait pas une semaine que le maréchal avait quitté Milan.

Pour apprécier dignement ce beau fait d’armes, il convient de se représenter que le maréchal n’avait plus affaire cette fois à des forces insurrectionnelles recrutées au hasard dans des pays soulevés, mais à des troupes vigoureusement disciplinées, disposant d’une artillerie qui passe à bon droit pour l’une des meilleures de l’Europe, et presque toujours de beaucoup supérieure en nombre, témoin l’engagement d’Olengo, où le feld-maréchal-lieutenant d’Aspre tint en échec, avec vingt mille hommes, le gros de l’armée ennemie, qui ne comptait pas moins de cinquante mille combattans. Après les affaires de Gambalo et de Vigevano, l’une et l’autre désastreuses pour les Piémontais, le général Chrzanowski concentra ses forces sur Olengo et sur Novare. Il arrive qu’un joueur malheureux, pour conjurer la mauvaise chance, risque tout ce qui lui reste sur une dernière carte ; l’important en pareil cas est de trouver la bonne, car, si vous vous trompez, vous êtes perdu. Telle fut l’histoire de cette concentration de l’armée piémontaise. Pour que la tactique eût réussi, même en admettant l’avantage de la position stratégique, il aurait fallu s’être assuré de la victoire. Le général Chrzanowski était loin de compte, bien que le téméraire entraînement du baron d’Aspre eût semblé un moment, au début de la bataille, justifier sa manœuvre. En effet, le feld-maréchal-lieutenant, se laissant emporter par le feu de la guerre et brûlant d’en venir aux mains, se jeta à Olengo sur l’ennemi sans connaître ses forces et sans la moindre certitude d’être au besoin promptement secouru. Vingt mille Autrichiens tinrent tête pendant plusieurs heures à toute l’armée piémontaise, forte de cinquante mille hommes, et, chaque fois qu’on les repoussait, ils revenaient à la charge, toujours entraînés par leur chef intrépide, qui, reconnaissant son héroïque erreur, s’était juré de la laver de son sang, ou de la faire tourner au profit de la victoire. L’occasion s’offrait belle au général Chrzanowski, pourquoi ne la saisit-il