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une querelle où il eût fallu plus de modération. Nous ne voyons pas ce que la sécurité de l’Italie, qui doit être particulièrement chère au cœur de Pie IX, pourrait gagner au développement d’une agitation quelconque en Piémont, et il nous paraît, d’un autre côté, que la chaire de saint Pierre ne sera pas beaucoup plus en crédit, si des populations naturellement religieuses restent indifférentes à la condamnation prononcée contre leurs gouvernails. Or, c’est là ce qui semble jusqu’à présent le résultat le plus clair de la décision intraitable avec laquelle Rome a refusé tout accommodement. Le Piémont et la Sardaigne jouissent d’une tranquillité complète, et des feuilles dont la charité devrait du moins modérer le zèle ont beau jeter tous les jours aux magistrats les noms d’apostats et d’excommuniés, le public ne s’en émeut pas autrement. Il y a maintenant dans toute la monarchie piémontaise un travail de fusion entre les gens raisonnables de toutes les classes ; cette fusion s’opère surtout grace aux traditions de royalisme enracinées dans le pays : la majorité loyale de l’ancienne noblesse et de l’ancienne bourgeoisie se rallie volontiers autour d’un trône constitutionnel, et il ne reste plus en dehors de cette salutaire alliance que les membres les plus inaccessibles de la plus dédaigneuse aristocratie, et les bourgeois rébarbatifs séduits par les utopies de l’émigration démagogique.

Lord Palmerston n’est pas tellement affairé du bruit que font autour de lui les évêchés catholiques, qu’il ne trouve du loisir pour son humeur procédurière. Il a découvert un autre Pacifico qu’il se propose d’employer à la plus grande vexation, non pas cette fois de la Grèce, mais du Portugal. Le Tage, à propos d’un certain médecin prédicant dont on a cassé les meubles, est menacé d’un blocus tout pareil à celui que don Pacifico attira naguère sur le Pirée. Le duc de Palmella, le vieux défenseur de l’alliance anglaise et des principes anglais en Portugal, vient justement de mourir, comme pour ne pas voir ce nouveau gage de la protection britannique dont sa patrie fut toujours trop richement dotée. Le duc de Palmella était l’un des derniers représentans de la diplomatie de 1815. Il avait joué dans le congrès de Vienne, par la supériorité de son esprit et le charme de ses manières, un rôle plus considérable que celui où il aurait été appelé, si l’on n’eût consulté que le degré d’importance de l’état qu’il représentait. Il se flatta toujours, trop facilement même, d’introduire en Portugal la forme tempérée du gouvernement constitutionnel qu’il admirait en Angleterre. Il réussit du moins à maintenir successivement contre dom Miguel le roi dom Pedro et la reine dona Maria ; il fut la caution de cette jeune princesse vis-à-vis de l’Europe, et dégagea cette partie de la Péninsule du principe absolutiste, en s’associant à la quadruple alliance qui chassa dom Miguel. La disgrace où il a passé les dernières années de sa vie n’avait point changé ses sentimens ni ses idées.

En Espagne, la politique sommeille jusqu’à l’ouverture des cortès, et un seul incident est venu troubler ce calme plat : c’est le remplacement du général Cordova à la capitainerie générale de Madrid par le général Norzagaray. On s’est beaucoup occupé de cette affaire dans les cercles politiques, et l’on a attribué la disgrace du général Cordova aux circonstances les plus extravagantes. La vérité est que le général Cordova, qui ambitionnait le commandement supérieur