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de montrer au gouvernement prussien que sa charte impériale et unitaire n’avait rien changé en Allemagne. M. Detmold ne pouvait manquer de s’associer à la politique autrichienne ; il n’était pas homme d’ailleurs à s’embarrasser beaucoup de scrupules constitutionnels ; il a toujours été plutôt de l’opposition en général que d’un principe en particulier. Il donna donc son approbation complète au décret fédéral du 21 septembre, et vint de Francfort à Hanovre pour solliciter lui-même l’entrée des troupes hanovriennes dans l’électorat de Cassel.

Le ministère cependant, et surtout son chef, M. Stuve, n’entendait pas aller si vite. M. Stuve, plus réellement libéral que M. Detmold, ne l’est pas néanmoins dans le sens tout-à-fait moderne du mot. Bourguemestre d’Osnabrück, membre de cette espèce de cour des comptes (Schatz-Collegium), de cette antique institution financière dont le roi Ernest-Auguste consentit à subir le demi-contrôle, même après son coup d’état de 1837, M. Stuve est plutôt imbu du goût ancien pour les prérogatives communales, pour les droits particuliers des corporations et des ordres, qu’il n’est pénétré des idées constitutionnelles en général ; il confondrait volontiers le privilège avec la liberté. C’est de ce point de vue, du reste très allemand en soi, que M. Stuve a déclaré une guerre d’extermination à la bureaucratie, auxiliaire du despotisme même éclairé, qui supprime tous les privilèges, ceux du paysan et du bourgeois comme ceux du seigneur. C’est par cette aversion pour la bureaucratie qu’il s’est surtout rendu populaire, et c’est elle aussi qui l’a toujours dérobé aux influences prussiennes. M. Stuve déteste les Prussiens, non pas seulement parce qu’il est particulariste, comme on dit en Allemagne, c’est-à-dire bon Hanovrien, Hanovrien avant tout, mais aussi parce que le régime prussien est à ses yeux un régime de nivellement administratif qui le choque dans son respect naturel pour les franchises nationales, pour l’indépendance privilégiée des anciens corps politiques.

Quelle que soit d’ailleurs cette antipathie contre la Prusse, elle ne va pas jusqu’à prévaloir contre le culte que M. Stuve a voué aux principes du self-government. Aussi l’arrêté fédéral du 21 septembre l’avait-il sensiblement blessé ; il le fit combattre dans son journal officiel, et le Schatz-Collegium en désapprouva publiquement toute la doctrine. M. Stuve n’admettait point qu’on pût absolument dénier aux représentans du pays le droit de refuser l’impôt. D’un autre côté, n’ayant point été, comme M. Detmold, en contact prolongé avec la diplomatie autrichienne, il a gardé toutes les appréhensions ordinaires du libéralisme allemand vis-à-vis du cabinet de Vienne. Aussi, quand M. Detmold revint dernièrement à Hanovre, M. Stuve fit résoudre en conseil de ministres qu’on désavouerait formellement la part prise par le plénipotentiaire hanovrien au décret du 21 septembre. Le soir du même jour, M. Detmold reçut du roi l’ordre de Guelphe. Les ministres offrirent leur démission, et M. Detmold fut chargé de la formation d’un cabinet qui devait immédiatement accepter la responsabilité d’une rupture ouverte avec la Prusse et d’une intervention armée dans la Hesse ; mais le roi, pas plus que M. Detmold, n’avait osé prendre ces nouveaux ministres, qui ne sont déjà plus, au sein de la coterie nobiliaire. Cette coterie est bien assez puissante à la cour pour tracasser M. Stuve, pour aigrir le vieux prince contre des conseillers auxquels elle ne pardonne pas leur origine bourgeoise, et qu’elle regarde comme les