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donc pas dans le sein de l’assemblée nationale quelque voix généreuse qui rappelle les glorieux services que tous mes enfans ont eu le bonheur de rendre à la France, eux qui, dès leur jeune âge, n’ont connu d’autre ambition que celle de lui consacrer leur vie et de verser leur sang pour elle ? Et ce serait eux que la France repousserait ainsi de son sein ! La récompense de leur dévouement serait donc le bannissement sur la terre étrangère ! »

Quelques jours après, Louis-Philippe, entouré de ses enfans et de quelques amis fidèles, écoutait la lecture des journaux qui venaient d’arriver de France ; l’émotion la plus douloureuse était empreinte sur tous les visages : la loi de bannissement avait été adoptée ; on lisait la longue liste des membres qui y avaient attaché leur nom. Le lecteur s’arrête tout à coup devant le nom d’un représentant à qui ses antécédens personnels semblaient devoir commander au moins la pudeur d’un vote contraire : « N’allez pas plus loin, dit le roi ; ne lisez que les noms des membres qui ont voté contre le bannissement. Mes enfans, ne vous ressouvenez que de ceux-là ; oubliez les autres. »

Depuis cette nouvelle épreuve si dignement supportée, au mois de juillet 1848, le roi exilé écrivait une note historique sur les causes et les circonstances de la révolution de février ; la note est exempte de toute amertume contre ceux qui avaient préparé sa chute sans le vouloir et sans le savoir ; on n’y trouve pas même une malédiction pour ceux qui n’ont profité de l’amnistie que pour en combattre et proscrire le royal auteur. Louis-Philippe amnistiait de son silence les factions qui l’avaient poursuivi, et jusqu’à cette démagogie sensualiste qui, prenant le gouvernement pour un champ d’exploitation, le pouvoir pour un moyen de jouissances, s’était ruée avec tant de frénésie dans les palais et sur les propriétés personnelles de la famille d’Orléans. L’histoire mettra en regard de la simple grandeur et de la prospérité du règne de Louis-Philippe les hontes et les misères de la révolution de 1848 : ce sera tout à la fois le châtiment de notre temps et l’enseignement de l’avenir.

Pour moi, dans ce cadre restreint, dois-je tracer la première page de ces douloureuses annales ? Dois-je montrer les salons du Palais-Royal et de Neuilly envahis par une foule furieuse venant, comme autrefois les barbares dans Rome, briser les vases précieux et les statues, déchirer ou livrer aux flammes les tableaux et les manuscrits ? Dois-je raconter les hauts faits de cette journée glorieuse qui détruit en quelques heures une galerie magnifique (1,050 tableaux sur 1,500), enveloppant dans la même proscription Holbein, Mignard, Reynolds, Gros, Géricault, Léopold Robert, les grands maîtres de tous les siècles ?

Dresserai-je le long catalogue des manuscrits et des livres à jamais