Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/548

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

même où les instigateurs d’une croisade passionnée contre ce qu’ils appelaient si injustement le gouvernement personnel parcouraient le pays dans tous les sens, semaient partout l’agitation soi-disant légale et préparaient les funestes banquets, le roi, puissant encore, dont ils provoquaient les ressentimens, leur pardonnait en ces termes, que j’extrais d’un acte solennel où il déposait alors ses pensées intimes et ses dernières volontés : « Ce dont la France a besoin, c’est de bannir de son sein ces craintes, ces rivalités, ces jalousies réciproques, que la malveillance ne se fatigue jamais de semer, d’exciter ou d’entretenir entre les différens pouvoirs ou les institutions de l’état, afin de les affaiblir les uns par les autres, et de les renverser ensuite plus facilement ; c’est d’empêcher la propagation de la funeste idée dont j’ai vu surgir tant de déplorables conséquences, et qui leur fait supposer que leurs forces respectives s’accroissent par l’amoindrissement de celles des autres. La vérité est que la force et la stabilité des institutions et du gouvernement en général ne peuvent s’accroître que par la force et la stabilité de chacun des pouvoirs qui les composent, et que par conséquent ce qui amoindrit l’un amoindrit nécessairement tous les autres. Dieu sait que, dans le cours de ma vie, j’ai souvent vu la royauté, comme les assemblées électives, payer bien cher l’entraînement de ces illusions, et pourtant, malgré le consciencieux scrupule que j’ai toujours mis à m’en tenir complètement exempt, il n’est que trop vrai que depuis mon avènement j’ai eu trop souvent à en souffrir, particulièrement quand on pouvait croire que mes intérêts personnels ou ceux de ma famille étaient en jeu. Quoi qu’il en soit, je ne veux pas m’appesantir sur de semblables récriminations, je ne veux rien reprocher à personne ; je ne veux me ressouvenir que des intentions dont la plupart étaient bonnes, même quand elles m’infligeaient des plaies aussi cruelles. »

Ce pardon devait emprunter plus tard aux douleurs de la persécution et de l’exil un caractère plus touchant encore. Le décret de bannissement contre tous les membres de la famille d’Orléans venait d’être proposé à l’assemblée constituante ; cette nouvelle arrivée à Claremont y avait jeté une douleur profonde. Le cœur du roi saigna plus cruellement peut-être de cette blessure que de celle du 24 février ; le 24 février semblait en effet recevoir du décret de bannissement une sanction froide et réfléchie. Le roi m’écrivait à ce sujet le 16 mai 1848 : « Ce qui me révolte, ce qui fait bouillir mon sang, c’est de me voir, moi et les miens, voués au bannissement ! moi, qui, comme roi, n’ai jamais fait la plus légère infraction à la charte et aux lois jurées ! moi, le doyen de ces vétérans qui, dans les plaines de la Champagne, ont sauvé la France de l’invasion des armées étrangères !… Ne s’élèvera-t-il