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par une double exagération, contraire tout ensemble à ses habitudes bienveillantes et à la vérité des faits. Il qualifie durement l’opinion du président des assises ; enfin, quand il parle d’exécutions continuelles, il oublie que l’exercice du droit de grace rend chaque jour plus rares les applications de la peine capitale ; il est injuste envers son gouvernement et envers lui-même.

Contrairement à l’avis du garde des sceaux, le roi se déclara pour la commutation de la peine de mort en celle des travaux forcés à perpétuité. On peut lire au bas du rapport les considérations suivantes, écrites entièrement de sa main : « Je commence par dire que, dans mon opinion personnelle, la commutation que je prononce pèche plutôt par excès que par insuffisance de sévérité. J’arrive d’Angleterre, et j’y ai appris que le crime d’incendie n’y est plus puni par la peine de mort, qu’on y a trouvé cette peine disproportionnée à ce genre de crime, et que des peines inférieures le réprimaient efficacement. Je ne prétends pas établir que ce principe de la législation anglaise actuelle doive servir de règle à toutes les décisions que je puis être dans le cas de donner sur les condamnations pour incendie ; mais je crois devoir l’appliquer spécialement à Ripon : 1° parce que Ripon n’est condamné que pour le seul crime d’incendie, sans aucune complication de vol, d’assassinat ou même de vengeance individuelle ; 2° parce que sa condamnation a été motivée sur la déclaration unique de Lavaud, son complice ; 3° parce que ce complice Lavaud, tout aussi coupable, selon moi, que Ripon, a obtenu, au moyen de cette déclaration, du moins je le présume, de n’être condamné qu’à six ans de fers, disproportion énorme non-seulement avec la peine de mort à laquelle Ripon a été condamné, mais même avec celle des travaux forcés à perpétuité, que la commutation applique à Ripon, et que ma conscience m’interdit d’exercer.

« LOUIS-PHILIPPE. »

« Au château d’Eu, le 22 octobre 1844. »


Un Arabe, nommé Ben-Saïd, avait été également condamné à la peine de mort par la cour d’Alger le 30 août 1843, pour avoir porté un coup et fait une blessure à un agent de la force publique, avec intention de donner la mort. Le garde des sceaux, d’accord avec le ministre de la guerre, proposait la commutation de la peine de mort en celle de vingt ans de travaux forcés. Le motif qui déterminait le ministre était puisé dans cette circonstance, que Ben-Saïd avait donné le coup de couteau au moment où il était conduit en prison par quatre miliciens portant le sabre nu. « Il a pu croire, disait le ministre, qu’on le menait au supplice, et, pour me servir de ses expressions, qu’on allait lui couper le