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enfin sur divers autres crédits ouverts à l’intendant-général de la liste civile. En cas de voyage, ils étaient prélevés sur des fonds spécialement remis à cet effet aux aides-de-camp du roi. Enfin la reine détournait pieusement la plus grande partie de sa pension royale pour la distribuer au nom du roi. Dans l’intérieur même de sa maison, Louis-Philippe ne se contentait pas d’aider secrètement ceux dont les familles étaient dans la détresse ; il avait aussi voulu qu’un asile spécial fût ouvert à ses serviteurs blessés ou malades. Cet établissement, fondé dans l’ancien hôtel des Pages, rue du Faubourg-du-Roule, coûtait plus de 75,000 francs par an ; il était confié aux soins d’un habile médecin aidé de deux internes et au dévouement des saurs de saint Vincent de Paul.

Louis-Philippe tenait surtout à honneur de s’élever au-dessus des mauvaises passions du cœur humain. Souvent on l’a vu marcher droit sur la haine et tendre une main secourable à un ennemi souffrant. Il était né clément aussi bien que charitable : ces deux instincts de sa nature semblaient s’encourager et grandir l’un par l’autre. Le jeune avocat défenseur du régicide Darmès avait écrit au roi que la mère du condamné, pauvre et âgée, était dénuée de toutes ressources. Quelques jours plus tard, cette femme voyait s’ouvrir un asile sûr pour les souffrances de sa vieillesse. Le régicide Lecomte avait été condamné à mort par la cour des pairs ; le chef de l’état avait vainement plaidé dans son conseil la cause de l’assassin. Lecomte était résigné à mourir ; mais il laissait une sœur tendrement aimée. Le jour même où le roi constitutionnel dut se soumettre à la juste décision de ses ministres, il m’écrivit : « Venez me voir ; j’ai le malheur de n’avoir pu sauver Lecomte, je veux du moins aider à vivre la sœur qu’il soutenait. » Peu d’heures après, je faisais connaître à M. Martin (du Nord), alors garde-des-sceaux, que je tenais à sa disposition toute somme d’argent qu’il jugerait nécessaire pour subvenir aux besoins de la sœur du régicide[1].

  1. Du reste, un document authentique fera mieux comprendre encore ce qu’accomplissait sous ce rapport le chef de la dynastie de juillet : c’est la récapitulation des secours accordés en 1832 sur les crédits du cabinet du roi. Peut-être ne lira-t-on pas sans intérêt cette pièce, échappée à la destruction de février. Les papiers qui intéressaient la politique et l’intimité de la famille royale ont été plus ou moins respectés ; mais des mains acharnées ont livré systématiquement aux flammes les archives de la bienfaisance, qui renfermaient sans doute plus d’une révélation contre les vainqueurs.
    Secours accordés en 1832 sur le crédit ouvert au cabinet du roi :
    A d’anciens serviteurs de la maison d’Orléans et à des personnes de la maison actuelle 20,091 fr.
    Bourses, pensions et trousseaux dans les maisons d’éducation 6,255
    Hommes de lettres et artistes 59,900
    Pensionnaires de la liste civile de Charles X ou de la caisse de vétérance, anciens pensionnaires de la maison de Monsieur 73,635
    Décorés de juillet 20,740
    Combattans de juin blessés, veuves et orphelins de combattans 61,050
    Blessés d’Anvers 10,000
    Militaires, veuves et enfans de militaires 40,400
    Choléra (indépendamment du crédit spécial ouvert au ministère du commerce) 77,650
    Établissemens de bienfaisance, villes et communes 28,150
    Indigens de Paris 202,750
    Indigens des départemens 72,656
    Secours en nature et d’urgence 132,500
    Crédit de secours pour le choléra 500,000
    Total 1,305,777 fr


    Et ici il est écrit de la main du baron Fain, l’ancien secrétaire de Napoléon et de Louis-Philippe, mort en 1836 : « C’est plus que la dixme sur la subvention de la liste civile. »