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roi, loin de s’abriter sous les principes formels d’un droit incontestable, formaient entre eux un pacte solidaire pour garantir le paiement intégral de dettes qui leur étaient de tous points étrangères. En même temps le roi, plus généreux peut-être du fond de l’exil qu’aucun de ses prédécesseurs sur le trône, allouait, de son propre mouvement, 5 pour 100 d’intérêts annuels à tous ceux que leurs travaux avaient fait les créanciers de la liste civile ; le compte d’intérêts en leur faveur s’est élevé à 900,000 francs environ. Les sentimens qui inspiraient Louis-Philippe dans cette circonstance se peignent tout entiers dans le passage d’une lettre qu’il m’écrivait le 16 août 1848 : — « Mes enfans ont partagé le vœu de mon cœur pour atténuer les souffrances de mes créanciers autant, que le permettent les ressources qui nous restent ; mais j’espère que l’engagement que prennent mes fils et les garanties hypothécaires qu’ils accordent donneront assez de crédit à mes créanciers pour les préserver d’un malheur (qui en serait un de plus pour moi), celui de se trouver hors d’état de faire honneur à leurs affaires. C’est une de mes peines les plus douloureuses que celle de voir tant d’hommes honorables menacés dans leurs plus chers intérêts pour avoir mis leur confiance en moi. »

Le désintéressement du roi ne se démentit pas envers la république elle-même, lorsqu’elle eut à traiter plus tard avec lui pour un intérêt assez considérable. D’après la loi du 2 mars 1832, la portion du mobilier de la couronne acquise depuis 1830, moyennant une somme de neuf millions, était exclusivement sa propriété personnelle. Louis-Philippe n’avait qu’un mot à dire pour priver de leurs meubles les plus précieux les palais enrichis par ses soins ; il pouvait les faire transporter dans les habitations de son domaine particulier et placer ainsi l’état entre la nécessité de remeubler à grands frais la plus belle partie des monumens nationaux, ou la honte de les exposer nus aux regards des visiteurs français et étrangers. Telle ne fut pas la pensée du roi proscrit il donna à ses mandataires l’autorisation la plus large de traiter avec l’état et de lui abandonner sur cette plus-value une somme considérable qu’il les laissait libres d’arbitrer ; tout sacrifice était approuvé d’avance par lui.

À côté de ces faits, témoignages irrécusables de l’injustice des contemporains, il convient de citer les œuvres d’une charité qui ne voulait rester étrangère à aucune des misères humaines. Pour mieux atteindre toutes les infortunes, pour mieux se placer en dehors de la politique, la charité royale avait multiplié les canaux par lesquels elle devait s’épancher. Les secours dont la liste civile faisait les fonds étaient alloués soit par le roi lui-même sur des bons particuliers de sa cassette, soit par les princes sur les fonds que le roi mettait annuellement à leur disposition, soit sur les crédits du cabinet du roi, soit