Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/518

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comme on l’a dit souvent : c’était aussi un artiste ; seulement il l’était avec ses idées, avec ses goûts, avec sa nature particulière. Ainsi l’art, comme le style, comme la parole, n’était pas pour Louis-Philippe un but, mais un moyen, un instrument subordonné. Il dédaignait un peu la forme, quand elle ne s’attachait pas à traduire une pensée pratique, une idée vraie, un souvenir exact. Le roi n’aimait ni le roman historique dans les lettres ni le style allégorique dans les arts ; avant tout, il poursuivait les idées pratiques sur le terrain des affaires, la pensée sous le style dans les lettres, la vérité dans la peinture. Il réprouvait les poses et les scènes de convention inspirées par la superstition de certaines règles. Il allait plus loin : il voulait que les personnages fussent exactement ceux de l’époque qu’avait à retracer le peintre ; il voulait que la représentation matérielle des faits fût aussi fidèle que l’histoire. Là est l’explication de sa froideur instinctive pour les brillantes allégories de Rubens, si chères à Henri IV. En dépit de la puissance de Lebrun et de la grace de Mignard, il se sentait peu de goût pour l’Olympe et pour les Romains de 1660. Généralement, le petit-fils de Louis XIV n’avait accepté l’héritage de son aïeul que sous bénéfice d’inventaire. Dans les arts en particulier, il ne voulut recueillir d’autre legs que celui de la pensée souveraine qui avait inspiré à Rigaud ses irréprochables portraits, à Lebrun et à Van der Meulen leurs scènes historiques, leurs magnifiques batailles. Louis-Philippe faisait restaurer à Versailles avec un soin religieux les dieux et les déesses de sa famille ; cette restauration n’avait toutefois d’autre but que de conserver les souvenirs d’une époque qui avait vu le génie de l’art s’égarer et se perdre dans le délire de la flatterie. Ces souvenirs répugnaient doublement à ses goûts comme artiste, à ses opinions comme roi ; sa conscience d’artiste se raidissait contre le faux goût et les exagérations du passé ; peut-être l’emporta-t-elle quelquefois trop loin dans le mouvement contraire : c’est la loi de toute réaction, même la plus légitime. La peinture et la sculpture doivent sans doute prêter à l’histoire le secours de la forme vivante et de l’exemple en action ; mais elles ne se rapprochent d’un tel but que par de libres excursions dans le monde de la pensée.

Quoi qu’il en soit, la constante préoccupation de Louis-Philippe fut de donner à l’art une direction exclusivement historique et nationale : ni le temps ni la dépense ne lui coûtaient pour réaliser, malgré les distances et les instrumens d’exécution, cette idée, assez souvent dans son esprit voisine de l’intérêt politique. Pour être toujours à même de s’assurer que ses intentions étaient fidèlement suivies, il avait fait disposer au Louvre un certain nombre d’ateliers. Là, les peintres les plus habituellement employés par lui étaient admis à exécuter leurs œuvres ;