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par le khalifat Si-El-Aribi, rejoignirent le général et prirent place à sa droite, marchant drapeau en tête du côté opposé au goum de Caddour. Ces cavaliers s’avançaient sur une ligne, sans s’inquiéter du terrain, à la hauteur du cheval du chef ; ils nous donnaient le spectacle que l’on voyait autrefois dans notre vieille France, lorsque le haut baron partait suivi de tous ses gens d’armes. À deux titres divers en effet, Si-El-Aribi et Caddour-Ben-Murphi représentaient les deux grandes influences de la société féodale comme de la société arabe, la noblesse religieuse et la noblesse de guerre.

Tout dans le khalifat de la Mina, la noblesse de ses manières, la majestueuse dignité de sa démarche, la simplicité avec laquelle il recevait l’hommage des Arabes, sa générosité pleine de grandeur, la fermeté de son commandement, tout indiquait en lui l’homme de vieille race religieuse qui sait que ses aïeux ont été puissans, et qu’héritier du respect qui leur était dû, il commande aux consciences et aux bras ; c’était surtout l’homme du conseil, décidant la lutte, la dirigeant par ses ordres, mais dédaignant d’y prendre part. Caddour, au contraire, était le chevalier banneret frappant d’estoc et de taille. Son courage l’a élevé, son courage lui conservera la puissance. Marteau qui brise tout obstacle, le péril est sa vie ; il aime le danger ; le combat pour lui est une richesse et une source de grandeur pour sa famille. « D’où te viennent ces nègres ? lui demandait-on un jour. — Ceux-ci, je les ai achetés, répondit-il ; ces deux-là, je les dois à mon bras. » Tous deux étaient superbes sous leurs haïks blancs comme la neige, montés sur des chevaux aux harnachemens d’or. Nous avancions ainsi en gagnant du chemin, lorsqu’en traversant un terrain sablonneux, coupé ça et là par des enclos de figuiers, nous vîmes venir un flot de poussière d’où se dégagea bientôt la silhouette d’une ligne de cavaliers courant sur nous à fond de train ; on prend le trot, et, comme nous arrivions au sommet d’un petit mamelon, ces cavaliers, les gens du marghzen de Mostaganem, arrêtant brusquement l’élan de leurs chevaux, se précipitèrent à terre pour embrasser l’étrier du général, tandis que M. le colonel. Bosquet, le chef du bureau arabe, qui était venu à leur tête, serrait sa main. Chacun descendit de cheval, et les saluts s’échangèrent. Le colonel Bosquet était de ces hommes comme l’on en rencontre si rarement. D’une volonté de fer, d’un bon sens et d’une sûreté de jugement égale à l’étendue de son esprit, à la vivacité de son intelligence, il avait réussi dans toutes les entreprises dont on l’avait chargé, tous l’estimaient ; mais sa bonté bienveillante lui méritait aussi l’affection de ceux qui l’approchaient. On sentait en lui quelqu’un fait pour les grands commandemens, l’un de ces hommes capables de sauver d’un péril, quand tous désespèrent de la fortune. Bien jeune encore, depuis nommé général, commandant maintenant à Sétif, Dieu seul sait l’avenir