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car la guerre n’est pas autre chose, se fait d’une autre façon, en s’emparant des grands centres d’industrie et de production, par lesquels on est maître de la nation entière. Quelques coups de main suffisent d’ordinaire pour amener une tribu à composition ; mais, de même que parmi les hommes il y en a qui ont un mauvais sort attaché à leurs pas, de même il y a des tribus qui sont toujours frappées ou par l’un ou par l’autre. C’était le cas d’une fraction des Hachems que la colonne du colonel Géry rencontra chez les Ouled-Aouf. Les courses du général de Lamoricière avaient porté la ruine dans cette grande tribu ; mais la fraction des Hachems rencontrée par le colonel Géry avait été plus maltraitée qu’aucune autre. Comme les hommes de cette troupe rejoignaient la Smala, les Assennas les avaient dépouillés. À la Smala, les Hachems étaient parvenus, par leur industrie, à rétablir leur petite fortune, quand ils furent rasés par le duc d’Aumale. Le général Lamoricière pourchassa ensuite les débris de la Smala ; les malheureux lui échappèrent en partie, mais cette fois c’était pour tomber dans les mains des Harars, qui les laissèrent tout nus, de sorte que, lorsqu’ils furent rencontrés par la colonne Gery, il ne resta plus qu’à les mettre au tas avec les autres prisonniers. Fort heureusement pour ces captifs, le général de Lamoricière venait de remettre la main sur les autres familles de la tribu des Hachems, et maintenant que la guerre était portée loin de Mascara, comme la plaine d’Eghris était complètement vide et qu’il lui importait au point de vue politique de la repeupler, il résolut de replacer les Hachems sur leur ancien territoire. Rien n’est en effet plus dangereux qu’un pays désert, car alors le champ est libre pour les coupeurs de bourse, la surveillance et la police qui s’exercent sous la responsabilité des tribus ne peuvent plus avoir lieu. Il importait que la sécurité régnât aux environs de Mascara, et c’est dans cette vue que le général de Lamoricière expédia, du Haut-Riou, où il venait de les surprendre après le coup de main de la Smala, les fractions les plus nombreuses des Hachems, jusque-là fidèles à la fortune du sultan. Ce n’était plus cette fière tribu, si orgueilleuse de ses cinq mille cavaliers ; misérables, ruinés, réduits à la misère la plus affreuse, à peine si les Hachems avaient cinquante chevaux éreintés ; plus de tentes, plus de troupeaux, mais des femmes et des enfans, et c’était cette population qu’il fallait planter sur la terre et faire vivre. Les armes manquaient ; une redoute construite dans la plaine, où l’on mit du canon, et deux cent cinquante zephirs leur assurèrent la sécurité. Voilà les Hachems passés à l’état de réfugiés politiques. La moisson était sur pied, de sorte que la nourriture était assurée ; mais tout le reste faisait défaut, et il fallait bien leur trouver des abris. Les tribus amies leur donnèrent des tentes, et ils se mirent à vendre du bois, de la paille, de la chaux, des nattes à Mascara, ramassant ainsi un peu d’argent. Dans les razzias,