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il soupçonne que l’ermite doit sa belle santé à un autre régime ; il demande quelque chose de plus substantiel, et voici qu’aux pois chiches succède un pâté de daim, et à la cruche d’eau une grande bouteille de cuir pleine d’un vin généreux. Où est le rocher tapissé de lierre et couronné de touffes de houx auquel s’appuyait la cellule de l’ermite de Copmanhurst ? Où est cette fontaine de Saint-Dunstan, où il allait remplir sa cruche pour le repas qui devait avoir pour témoins les gardes-chasse ? Où est la fraîche clairière à travers laquelle courait la fontaine avant de disparaître dans le bois voisin ? Les archéologues les chercheraient en vain dans ce qui reste de la forêt de Sherwood. C’est un des mille paysages sortis de l’imagination de Scott. Il l’a tiré de ce trésor d’impressions vraies, de souvenirs d’enfance, de vif amour de la nature, qui lui a fourni tant de descriptions agréables. Les paysages de Walter Scott sont, comme ceux de Fénelon, non pas une description d’après nature, mais un choix de ce que nous avons vu ou rêvé de frais, de lumineux, de pittoresque et de charmant. Il est tel paysage pris sur les lieux que la copie la plus fidèle ne réussit pas à nous faire voir. Nous faisons mieux que voir ceux de Walter Scott et de Fénelon, nous en respirons la fraîcheur, nous croyons y être de notre personne. Je ne sache pas de livres qui fassent plus cette illusion que les romans de Walter Scott ; on y éprouve toutes les sensations, on y a toute la plénitude d’activité et de vie de ses personnages : imagination aimable et bienfaisante, qui n’a jamais été inspirée que par le désir d’entretenir la simplicité des sentimens et la vérité des sensations, sans une ombre d’effort pour exalter notre sensibilité et nous dégoûter des choses qui sont à notre portée !

Quand je visitai le Nottinghamshire, on était au mois d’août. La bruyère de Sherwood était en fleurs. Le rose foncé, le rose tendre, le violet, mêlant leurs nuances à celles de la feuille, tantôt vert pâle, tantôt argentée comme la feuille de l’olivier, formaient comme un fond rose et gris d’où se détachaient les bouquets d’or du genêt épineux. Ces bruyères sont délicates comme celles de nos serres ; elles donnent ce plaisir mêlé de surprise qu’on éprouve à voir des plantes rares à profusion.

En quittant les bruyères pour se rapprocher de la vallée, on a une vue charmante. Sur les deux revers, à mi-côte, s’étendent de vastes pelouses au-devant de jolies maisons de campagne. Sur la hauteur, aux endroits les plus découverts, des moulins propres et élégans ouvrent leurs ailes pour recevoir la brise qui souffle de la plaine. Les jours où il ne fait pas de vent, la machine à vapeur y supplée. À quelques pas du moulin est la maison du meunier. Tout autour, dans la prairie enclose de haies, des vaches, le cheval du meunier, paissent au milieu des poules. Tout cela sent le travail prospère et la paix. On craint Dieu