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les soldats du nom de Crèvecœur, fut franchie, et nous rencontrâmes peu après le général Renaud, venu à la rencontre du général Lamoricière, avec un grand nombre d’officiers, de chefs arabes et le commandant de place, M. Bastoul, le Salomon de l’endroit. Nous arrivions à Mascara.


II

L’histoire de Mascara se rattache aux souvenirs les plus glorieux de la province d’Oran. En 1704, Bou-Kedach, le dey d’Alger, confia le commandement de l’ouest à l’un de ses favoris, un jeune homme de vingt-quatre ans, nommé Bou-Chelagrham (le père de la moustache). Ambitieux, actif, intelligent, Bou-Chelagrham avait juré de venger la mort de son prédécesseur, le bey Chaban, tué par les chrétiens d’Oran ; mais, avant de tourner ses armes contre l’infidèle, il voulut réduire toute la province sous son autorité. Jusqu’alors, la ville de Mazouna, située dans le Dahra, entre le Chéliff et la mer, avait servi de résidence aux beys ; mais, trop éloignés du centre de la province, ceux-ci voyaient un grand nombre de tribus échapper à leur autorité. Le premier acte du nouveau bey fut de quitter Mazouna et de transporter le siége de la puissance turque de l’autre côté de la première chaîne de montagnes, dans un lieu appelé le pays des Querth, du nom d’une tribu berbère qui l’habitait. Cette position, qui permettait aux cavaliers de Bou-Chelagrham de prendre à revers les tribus des plaines de la Mina, de l’Illill, de l’Habra et du Sig, les mettait également à portée des tribus du sud, qui, jusqu’à cette époque, avaient osé braver les ordres des beys, et, par les hauts plateaux de Sidi-Bel-Abbes, les communications des chefs turcs avec Tlenmcen avaient lieu sans difficulté. Sur les derniers mamelons de la chaîne qui domine la fertile plaine d’Eghris, s’éleva donc la ville de Mascara (Ma-Askeur, littéralement la mère des soldats), qui devint la résidence des beys jusqu’au jour où ils chassèrent les chrétiens d’Oran. Mascara ne tarda pas à prospérer.

Cette ville renfermait une population nombreuse, peu morale, si l’on en croit le dicton de Mohammed-ben-Yousef le voyageur : « J’avais conduit les fripons jusque sous tes murs de Mascara, ils se sont sauvés dans les maisons de cette ville. » Ses habitans pouvaient être de mauvais drôles, mais, à coup sûr, leur position militaire était excellente aussi à toutes les époques Mascara fut regardé par les hommes de guerre comme la clé du pays, et lorsque le général Bugeaud, ayant réuni une forte colonne à Mostaganem, était incertain s’il marcherait sur Tegdempt, le nouveau poste fondé par Abd-el-Kader à la limite du Tell, ou sur Mascara pour s’y établir comme le conseillait le général de Lamoricière le général Mustapha-ben-Ismaél, interrogé, fit cette