Mais se plaint-elle ?
Voilà le comble : elle se croit heureuse, et son unique souci est de savoir comment elle élèvera ses garçons. Elle a des idées sur l’éducation des hommes. Je vous donne en mille à deviner ce qui l’occupe par-dessus tout : elle veut absolument savoir si M. de Montalembert obtiendra la liberté d’enseignement. Elle dit là-dessus des choses de l’autre monde, totalement incompréhensibles, que son traître de mari écoute d’un air charmé. Enfin, enfin, croirez-vous qu’ils ont passé un mois à Paris sans aller à l’Opéra seulement une fois !
Quelle étrange existence !
Ce sont des mœurs barbares. Ignorer ou s’ennuyer, et mettre au monde un enfant tous les dix-huit mois, voilà ce qu’on appelle vivre chrétiennement. Entre Florence.)
M, le comte est là et demande si madame la marquise reçoit.
L’heureuse rencontre ! Recevez-le, ma chère, et livrez-le-moi.
Serait-il aussi votre cousin ?
Ils sont tous frères et par conséquent tous mes cousins. Je déteste l’espèce entière.
Après tout, je ne risque plus rien. (À Florence.) Faites entrer.
Comte, vous venez à propos. Je parlais de vous.
Ah ! madame, qu’ai-je donc fait ?
Bien obligée ! Vous pensez que je vous déchirais. Point du tout, monsieur, et je disais au contraire comment, vous ayant vu tout à l’heure à Saint-Roch, vous m’avez édifiée.
Édifiée ! Décidément, madame, j’aurais dû arriver plus tôt.
Décidément, comte, vous me soupçonnez de médisance. Non ; je ne péchais que par curiosité. Je l’avoue, je m’épuisais à deviner ce que vous alliez faire à Saint-Roch.
Je suis prêt à vous le dire, madame ; mais franchement cela ne vaut pas la peine d’être répété.
Dites toujours. On verra.