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de cette tranquillité avec laquelle il poursuit sa carrière au milieu de la tourmente universelle dont le souffle même paraît le raffermir plutôt que l’inquiéter ? Le roi Léopold le disait l’autre jour en quelques paroles remarquables, lorsqu’il allait poser la première pierre de la colonne monumentale que la Belgique de 1850 élève au congrès national de 1830, fondateur d’une constitution à la fois libérale et monarchique : « Si la Belgique est restée pendant vingt ans paisible et forte, c’est qu’elle a eu foi dans ses institutions et dans son gouvernement ; si le gouvernement à son tour s’est maintenu à l’abri de tout ébranlement, c’est qu’il a cherché son appui dans les institutions et dans les sentimens sympathiques de la nation. »

En Espagne, on discute toujours sur la sincérité des dernières élections. Quelques journaux en sont encore à se demander comment le pays, livré à son propre mouvement, aurait pu éliminer des hommes tels que M. Gonzalez Bravo, M. Pacheco, M. Benavides, anciens ministres et anciens députés, hommes de talent, et qui paraissaient avoir une certaine influence ? Rien n’est cependant plus simple. M. Gonzalez Bravo était député pour le district de Baeza, où il est entièrement inconnu, parce que le général Narvaez lui prêtait son immense influence. Du moment où cet appui lui a manqué, il était tout naturel que M. Gonzalez Bravo tombât, d’autant plus que son ancienne impopularité s’est aussitôt réveillée. On s’est rappelé qu’il n’avait été élevé au ministère que comme l’instrument d’hommes qui ne pouvaient pas se montrer en scène à une époque révolutionnaire ; que s’il avait pris les armes contre Espartero, c’était à titre de progressiste exalté, et qu’il n’était venu aux modérés que quand M. Olozaga, le voyant repoussé par les progressistes, refusa d’appuyer sa candidature. On a cru en outre que cette conversion, qui s’effectuait juste au moment où M. Gonzalez Bravo allait perdre son ambassade de Lisbonne, pouvait ne pas être fort sincère. Tout cela ne suffit-il pas pour expliquer son échec ?

Quant à M. Pacheco, qui ne sait qu’il ne passa de l’opposition puritaine au pouvoir que pour y faire tout le contraire de ce qu’il avait promis ? Qui ne sait que, le lendemain du jour où il avait accepté son portefeuille, il chassa de Madrid, sans forme de procès, deux hommes qui n’avaient commis ni crime ni délit, et qu’on fut forcé de faire revenir pour éviter des révélations ? Qui ne sait qu’il gouverna sans les cortès, que son seul but était de se faire nommer ambassadeur à Rome, qu’il fit venir de Paris le général Narvaez pour lui offrir le pouvoir en échange de ce poste, parce qu’il croyait le général assez puissant pour gouverner même avec un ministère de nullités, que le général Narvaez refusa ces conditions, et que M. Pacheco, président du conseil, pour avoir son ambassade, fut forcé de chercher d’autres complaisans, et de livrer le pouvoir à un ministère burlesque ? Est-ce que l’Espagne ignorait ces détails ? Est-ce qu’il fallait forcer la main aux électeurs pour leur faire repousser un pareil candidat ?

Pour ce qui regarde M. Benavides, on sait les antipathies qu’il inspire généralement. Il doit s’en prendre à lui-même, si sa position n’est pas à la hauteur de son talent. C’était encore le général Narvaez qui le soutenait devant ses électeurs. Privé de cet appui, il s’est trouvé dans le même cas que M. Gonzalez Bravo. On pourrait en dire autant de presque tous les membres de l’opposition