Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/356

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

boucherie, ce sentiment, bien que vrai, ne saurait nous attendrir. Mieux conseillé, M. de Lamartine se fût borné à nous raconter le dévouement de Geneviève pour Josette. Il y avait dans cette action unique de quoi défrayer les quatre cents pages de son récit. Tous les épisodes qu’il a cru devoir ajouter ne sont à proprement parler que des hors-d’œuvre. La charité instinctive de Geneviève développée, agrandie par le sentiment religieux, s’élevant jusqu’à l’héroïsme, c’était là le sujet qu’il fallait traiter : tout le reste n’est qu’un entassement de paroles inutiles ; mais, pour laisser à l’héroïsme de Geneviève toute sa valeur poétique, il fallait donner au langage la simplicité qui appartient à l’action, et ne pas comparer par exemple les yeux qui pleurent et dont les larmes s’épuisent, à une orange pressée d’une main avide et dont le suc tarit.

Après avoir commenté Jocelyn en nous racontant l’histoire de Geneviève, M. de Lamartine revient au récit de sa vie personnelle. Les Nouvelles Confidences sont loin d’offrir le même intérêt que les premières. Dans les premières, en effet, on pouvait blâmer la complaisance immodérée avec laquelle M. de Lamartine parlait de lui-même, on pouvait à bon droit s’étonner des éloges sans fin qu’il se prodiguait ; en lisant les Nouvelles Confidences, on est saisi d’un autre étonnement. On se demande comment l’auteur a pu croire qu’il continuait sa biographie en parlant de tout le monde, excepté de lui-même. Le premier livre des Nouvelles Confidences n’est qu’une galerie de portraits.- A part quelques pages où M. de Lamartine nous entretient avec bonheur de l’admiration qu’il excitait chez les habitans de Mâcon, où nous voyons les jeunes filles et les vieillards groupés sur les perrons pour regarder passer le fils du chevalier, il n’est guère permis de chercher dans ce premier livre un récit autobiographique. Ou je m’abuse singulièrement, ou la plupart des lecteurs éprouveront la même impression que moi les louanges sans nombre que M. de Lamartine donne à la beauté de sa mère, à la beauté de ses sœurs, à sa beauté personnelle, loin d’éveiller la sympathie, répandent sur toutes ses paroles une singulière monotonie. Cette profusion de beauté imprime à toutes les pensées un cachet d’orgueil qui fatigue bien vite. Que l’auteur vante la piété, la sérénité, la générosité, l’abnégation de sa mère, à la bonne heure : il y a dans ses louanges un accent de reconnaissance qui réclame, qui impose le respect ; mais qu’il s’amuse à décrire sa mère comme un tableau ou une tapisserie, qu’il dresse l’inventaire de son visage sans nous faire grace d’aucun détail, qu’il mesure la longueur des cils, la largeur des sourcils, l’épaisseur des lèvres, c’est une puérilité, un gaspillage de paroles que nous ne pouvons lui pardonner. La beauté même d’une jeune fille ne résisterait pas à cette manie de procès-verbal. Et puis ce qu’on disait au XVIIe siècle de la description des palais