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rapporterait rien ou presque rien au fisc ; elle ferait tout au plus la fortune des contrebandiers. La douane proprement dite ne rend pas aujourd’hui plus de 100 millions ; il y a donc de ce côté au moins 80 millions à rabattre.

Je ne retranche rien des produits de l’Algérie, des colonies, etc., indiqués pour 40 millions : je demande que l’on m’explique l’article des droits conservateurs, qui figurent pour 35 millions, et qui m’ont bien l’air d’être placés là comme une pierre d’attente pour rétablir plus tard les droits d’enregistrement ; mais je m’inscris en faux contre l’article des forêts et de la pêche, qui est aligné pour 39 millions. Eh quoi ! sous le régime de ce bienheureux socialisme qui doit restituer aux hommes les quatre droits naturels de chasse, de pêche, de cueillette et de pâture, l’état aurait des forêts dont il n’abandonnerait pas la jouissance à tout le monde ! l’état se réserverait, pour l’affermer à prix d’argent, le droit de pêcher le poisson des rivières et des lacs ! Évidemment, cela est contraire au principe du gouvernement, et le peuple, maître absolu, n’observerait pas une loi aussi peu populaire.

Le produit des monopoles figure dans le budget socialiste pour 805 millions. On rencontre d’abord les poudres à feu, les monnaies, les tabacs et les postes, que M. Pelletier conserve tels quels, les jugeant apparemment inventés à propos et de bonne prise. Viennent ensuite les chemins de fer, dont il porte le produit brut à 159 millions pour 4,000 kilomètres. C’est là une exagération manifeste. 3,000 kilomètres produisent aujourd’hui 85 millions ; en suivant la proportion, 1,000 kilomètres ne doivent pas produire plus de 113 millions. Voilà donc encore 46 millions à rabattre.

Mais est-ce bien tout ? On peut tenir pour constant que 4,000 kilomètres de chemins de fer dans les mains de l’état ne rapporteront pas plus que 3,000 kilomètres dans les mains des compagnies. Il y a deux raisons à cela : la première, c’est que l’état, sollicité par tous les intérêts et à la merci de tous, ne pourra pas résister aux demandes qu’on lui adressera, sous le plus léger prétexte, pour l’abaissement des tarifs, et que les tarifs, de réduction en réduction, finiront par n’être plus rémunérateurs ; la seconde, c’est que l’état n’a pas qualité pour faire produire à l’exploitation tout ce qu’elle doit produire. Le gouvernement ne doit faire et ne sait faire que les choses simples. Or, parmi les opérations commerciales, il n’en est pas de plus compliquée ni de plus délicate que l’exploitation d’un chemin de fer. Elle exige la réunion des aptitudes les plus diverses : le coup d’œil de l’administrateur, l’habileté du banquier, la science de l’ingénieur, le talent du constructeur, la précision et les ressources du mécanicien, la pénétration de l’économiste appliqué à découvrir les débouchés, et l’exactitude ainsi que l’économie du commerçant habitué à proportionner au résultat l’effort