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le ministre, l’administration départementale absorbe encore près de 8 millions ; une somme égale représente les dépenses des condamnés dans les maisons centrales ; environ 4 millions s’écoulent en secours aux étrangers réfugiés et aux établissemens de bienfaisance ; le service des beaux-arts réclame et obtient plus de 4 millions. L’administration centrale, jointe aux archives, ne coûte guère plus de 1 million ; 2 millions environ défraient les dépenses de sûreté générale, les services télégraphiques et les dépenses de la garde nationale. Voilà l’anatomie de ce budget déjà trop réduit dans ce qui touche aux dépenses générales, et qui serait beaucoup moins contesté, s’il était un peu plus connu.

À quels articles de dépenses en veulent cependant les réductions brutales et sommaires de M. Pelletier ? Va-t-on supprimer les préfets et les sous-préfets ? Quoi ! nous ne reverrons pas même les commissaires et les sous-commissaires de février, ces fonctionnaires à 40 francs par jour, ces sublimes incarnations du gouvernement provisoire ! il n’y aura pas le plus petit représentant du gouvernement dans les provinces ! personne ne sera chargé de veiller au maintien de l’ordre et de surveiller l’exécution des lois ! On peut assurément porter la réforme dans le régime de nos prisons ; mais qui songerait à lâcher les malfaiteurs sur la société ? Le budget des prisons, 8 millions, plus ou moins, est donc un article de dépense obligatoire. La hache socialiste tombera-t-elle sur les beaux-arts ? Dans un pays qui n’a pas d’aristocratie, et où les richesses ne s’accumulent pas dans un petit nombre de mains, l’état a seul qualité pour développer les arts et pour encourager les artistes. En plantant un arbre de la liberté près de l’Académie nationale de Musique, au soleil infécond de février, M. Ledru-Rollin avait annoncé, dans la ferveur du premier enthousiasme, que la république ferait pour les beaux-arts plus que n’avait jamais fait la monarchie. On nous promettait alors je ne sais quel autre siècle de Périclès ou des Médicis, dont il ne nous a malheureusement pas été donné jusqu’à présent de saluer l’aurore. Que veut cependant M. Pelletier ? C’est aux socialistes de nous dire s’ils excluent de leur république les bibliothèques, les spectacles et les musées. Qu’ils choisissent une bonne fois entre la république de Périclès et celle de Baboeuf.

Le budget socialiste ne maltraite pas trop, j’en conviens, les colonies et la marine, qui reçoivent une allocation de 106 millions ; mais la guerre, en revanche, réduite à 185 millions, s’y trouve sabrée d’importance. On voit bien que M. Pelletier et ses amis se soucient fort peu de maintenir l’ordre à l’intérieur. 185 millions pour la guerre et pour l’Algérie, il n’y a pas de quoi tenir sur pied plus de deux cent mille hommes. Notez bien que les socialistes ont la prétention de propager leurs principes, les armes à la main, dans toutes les contrées monarchiques