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que les anarchistes s’accordent ; à quelque école qu’ils appartiennent, on démêle à travers leurs divagations un certain nombre de vues communes qui peuvent leur servir à dresser le budget de la république démocratique et sociale. Oui, la chose est certaine, les socialistes ont inventé un budget. Que ce soit M. Ledru-Rollin qui arrive au pouvoir ou M. Mathieu de la Drôme, que la direction échoie à la montagne de Londres ou à la montagne de Paris, le résultat sera absolument le même. Nous ne changerons pas de dictature en changeant de dictateur ; les finances de la république sociale, quelles que soient les mains qui étreignent alors le pays et qui tiennent les cordons de la bourse, seront soumises à la haute pression des mêmes idées et abandonnées au péril des mêmes expériences.

Le 22 mars dernier, lorsqu’un socialiste plus hardi et plus naïf que ses pareils, M. Pelletier, vint à la tribune de l’assemblée nationale traduire en chiffres les visions du parti et nous dire à quel prix le gouvernement de la fraternité pourrait s’établir et se charger de nous conduire, la montagne parut effrayée de cette révélation, et l’on entendit courir sur ses bancs un murmure de désaveu. Ainsi que l’a fait remarquer M. Mortimer-Ternaux, l’éditeur du budget socialiste se vit un moment abandonné par les siens, et n’eut pas même d’abord comme M. Proudhon, un adhérent pour le suivre dans sa solitude. Toutefois cet isolement dura peu. Si la montagne n’a pas encore revêtu d’une sanction officielle les chiffres de M. Pelletier, elle a du moins adopté solennellement les bases sur lesquelles reposent des calculs qui n’avaient d’autre tort à ses yeux que la publicité qu’ils avaient reçue. Quatre-vingt-neuf représentans, sans compter les adhésions postérieures, ont signé le manifeste du 9 août 1850, dont nous extrairons les lignes suivantes :

« De ce concours de forces, de cette fusion des idées républicaines et socialistes, il résulta bientôt un accord complet sur les moyens à employer pour traduire en fait les vouloirs du peuple, pour poser les bases de la société nouvelle

« La chaire de l’enseignement relevée, rehaussée jusqu’à la dignité de la magistrature la plus honorée ;

« L’instruction mise à la portée de tous, faite gratuite aux abords de toutes les carrières qu’embrasse l’activité humaine et préparant ainsi le libre développement des facultés de chacun ;

« L’impôt établi, réparti sur les bases absolues de l’éternelle justice, simplifié, uniformisé, exigeant beaucoup de qui possède beaucoup, peu de qui a peu, et ne demandant rien à qui n’a rien ;

« L’accès du crédit ouvert à tous les citoyens, et, par le crédit, le droit au travail ;

« L’association, cette expression suprême de la puissance du labeur intellectuel et physique, excitée, encouragée, aidée dans ses efforts ;