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— Attends donc, je t’ai dit que j’avais une mauvaise nouvelle à t’annoncer.

— Parle, s’écria le brigadier, je suis pressé.

— Eh bien ! j’ai fait ma paix ce matin avec le gouverneur. Je lui ai donné une preuve excellente que je n’étais pour rien dans l’attaque dont il avait été victime. Je lui ai prouvé que le jour où on l’arrêtait aux portes de Guadalajara, j’étais en train de détrousser moi-même deux Anglais qui se rendaient avec un riche bagage à l’hacienda de las Frias, à vingt-sept lieues d’ici. Le gouverneur a reconnu qu’on m’avait calomnié, et nous sommes au mieux ensemble.

— Je le crois bien, dit le cabo en essayant de sourire.

— Alors, mon cher José Maria, reprit le bandit, tu sens qu’il te fait t renoncer à tes épaulettes de sous-lieutenant.

— Fi donc ! je n’y ai jamais compté, s’écria le dragon avec indignation.

— Ce que tu pourrais faire de mieux dans ces tristes circonstances, poursuivit Albino, ce serait peut-être de te joindre à notre bande.

— Je ne dis pas non, répondit le cabo. S’il y avait un bon coup à faire, j’en prendrais bien ma part, nous en causerons ; mais, puisque tu as reconnu mon innocence, comme on a rendu justice à la tienne, ne pourrais-tu me donner quelque chose à boire ?

Albino invita son ami, non sans une certaine magnanimité, à s’asseoir parmi nous. La petite vengeance qu’il venait de tirer du cabo lui suffisait.

La nuit était avancée, et j’avais hâte, comme on le pense, de prendre congé du prétendu neveu de don Ruperto. — Vous voyez, me dit-il, que, si vous ne n’aviez pas servi pour ainsi dire de caution à mon entrée dans la ville, l’officier qui nous interrogeait n’aurait pas manqué de reconnaître mon signalement. J’aurais été conduit chez le gouverneur au lieu d’y aller moi-même, ce qui est bien différent ; parce que certains traits d’audace intimident toujours, et j’aurais eu mille désagrémens que votre silence m’a évités ; le moyen, en effet, de croire qu’un étranger est l’ami d’un chef de salteadores !

Je comprenais parfaitement la nature du service que j’avais rendu au bandit, mais je n’en gardais pas moins quelque rancune au capitaine Castaños, et, pendant que je regagnais en sa compagnie mon domicile, je crus devoir ne pas lui cacher mon mécontentement. Le capitaine se disculpa de son mieux en alléguant que lui-même s’était exposé pour empêcher le fils de son ancien compagnon d’armes d’être victime de l’ambition du cabo. C’était pour avertir le bandit qu’il m’avait si brusquement quitté la veille, et il avait pu en effet, ajouta-t-il, arriver avant les dragons à la barranca del Salto. Albino, prévenu par Castaños, avait trouvé prudent de chercher dans la ville