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feu et se consumer dans l’atmosphère. Vinrent ensuite, à Nantes, les ascensions du grand ballon à gaz hydrogène baptisé du glorieux nom de Suffren, monté d’abord par Coustard de Massy et le révérend père Mouchet de l’Oratoire, puis par M. de Luynes. À Bordeaux, d’Arbelet des Granges el, Chalfour s’élevèrent dans une montgolfière jusqu’à la hauteur de près de mille mètres, et firent voir que l’on pouvait assez facilement descendre et monter à volonté en augmentant ou diminuant le feu. Ils descendirent sans accident à une lieue de leur point de départ.

Le 15 juillet 1784, le duc de Chartres, depuis Philippe-Égalité, exécuta à Saint-Cloud, avec les frères Robert, une ascension qui mit à de terribles épreuves le courage des aéronautes. Les frères Robert avaient construit un aérostat à gaz hydrogène de forme oblongue, de dix-huit mètres de hauteur et de douze mètres de diamètre. On avait disposé dans l’intérieur de ce grand ballon un autre globe beaucoup plus petit et rempli d’air ordinaire. Les frères Robert avaient cru, nous ne savons trop sur quel fondement, que cette combinaison leur permettrait de descendre ou de remonter dans l’atmosphère sans avoir besoin de perdre du gaz. On avait aussi adapté à la nacelle un large gouvernail et deux rames dans l’intention de se diriger. À huit heures du matin, les deux frères Robert, M. Collin Hullin et le duc de Chartres s’élevèrent du parc de Saint-Cloud en présence d’un grand nombre de curieux. Les personnes éloignées firent connaître par de grands cris qu’elles désiraient que celles qui étaient placées plus près du lieu de la scène se missent à genoux pour laisser à chacun la liberté du coup d’œil ; d’un mouvement unanime, chacun mit un genou à terre, et l’aérostat s’éleva au milieu de la multitude ainsi prosternée. Trois minutes après le départ, l’aérostat disparaissait dans les nues ; les voyageurs perdirent de vue la terre et se trouvèrent environnés d’épais nuages. La machine, obéissant alors aux vents impétueux et contraires qui régnaient à cette hauteur, tourbillonna et tourna trois fois sur elle-même. Le vent agissait avec violence sur la surface étendue que présentait le gouvernail doublé de taffetas ; le ballon éprouvait une agitation extraordinaire et recevait des coups violens et répétés. Rien ne peut rendre la scène effrayante qui suivit ces premières bourrasques. Les nuages se précipitaient les uns sur les autres, ils s’amoncelaient au-dessous des voyageurs et semblaient vouloir leur fermer le retour vers la terre. Dans une telle situation, il était impossible de songer à tirer parti de l’appareil de direction. Les aéronautes arrachèrent le gouvernail et jetèrent les rames. La machine continuant d’éprouver des oscillations de plus en plus violentes, ils résolurent, pour l’alléger, de se débarrasser du petit globe contenu dans l’intérieur de l’aérostat. On coupa les cordes qui le retenaient ; le petit globe tomba, mais il