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découverte ne l’entraîna-t-il pas cent fois au sein des nuages ? On l’ignore[1]. Toujours est-il que le cours de sa carrière aérostatique s’arrête là C’est sans doute le cas de répéter le mot du grand Condé : « Il eut du courage ce jour-là »

Cependant l’intrépidité et la science des premiers navigateurs aériens avaient excité dans toute l’Europe une émulation des plus vives. Les voyages aérostatiques ne tardèrent pas à se multiplier. Les ascensions les plus dignes d’intérêt par les circonstances qui les ont accompagnées ou par leur importance scientifique doivent seules nous occuper ici.


Lyon n’avait encore été le théâtre d’aucune ascension aérostatique : — c’est dans cette ville que s’exécuta le troisième voyage aérien. Joseph Montgolfier se trouvait à Lyon à l’époque de l’ascension de Charles aux Tuileries, événement qui eut dans toute la France un retentissement extraordinaire. Le comte de Laurencin, le comte de Dampierre et quelques autres personnes distinguées de la ville de Lyon le prièrent de diriger la construction d’un ballon à feu, pour lequel une souscription était ouverte, et qui devait servir à enlever cinq ou six personnes. Montgolfier fit construire un immense aérostat, qui avait quarante-trois mètres de hauteur et trente-cinq de diamètre, c’est-à-dire à peu près les dimensions de la coupole de la Halle-au-Blé de Paris. C’est la plus vaste machine qui se soit jamais élevée dans les airs. Seulement on avait visé a l’économie, et l’on n’avait obtenu qu’un appareil de construction assez grossière, formé d’une double enveloppe de toile d’emballage recouvrant trois feuilles d’un fort papier. Sa forme était celle d’une sphère, terminée à sa partie inférieure par un cône tronqué, autour duquel régnait une galerie d’osier, destinée à loger les voyageurs. Le mauvais temps qui ne cessa de régner endommagea beaucoup cette gigantesque machine. On ne put la transporter aux Brotteaux sans des peines infinies. Il y eut de très longs retards dans les préparatifs et les essais préliminaires, on fut obligé de remettre plusieurs fois le départ, et lorsque vint enfin le jour fixé pour l’ascension, la neige, qui tomba en grande quantité, nécessita un nouvel ajournement. Les habitans de Lyon, qui n’avaient encore assisté à aucune, expérience aérostatique, doutaient fort du succès et n’épargnaient pas les épigrammes. Le comte de Laurencin, un des futurs matelots de ce vaste équipage, reçut le quatrain suivant :

Fiers assiégeans du séjour du tonnerre,
Calmez votre colère.

  1. On a dit, qu’en descendant de sa nacelle, Charles s’était juré de ne plus s’exposer à ces périlleuses expéditions, tant avait été forte l’impression qu’il ressentit au moment où, Robert étant descendu, la machine, subitement déchargée de ce poids, l’emporta dans les airs avec la rapidité d’une flèche.