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fer une énorme botte de paille qu’il jeta dans le foyer : la machine se dégagea aussitôt et remonta aux applaudissemens des assistans.

On se pressait en foule à la porte du jardin pour assister de loin à ces curieuses manœuvres. Pendant les journées du 15, du 17 et du 19 octobre, l’affluence était si considérable dans le faubourg Saint-Antoine, sur les boulevards et jusqu’à la porte Saint-Martin, que, sur tous ces points, la circulation était devenue impossible. L’encombrement excessif des curieux dans les rues de la ville aurait pu amener des embarras ou des dangers ; on se décida à faire l’ascension hors de Paris. Le dauphin offrit à Montgolfier les jardins de son château de la Muette au bois de Boulogne.

Cependant, à mesure qu’approchait le moment décisif, Montgolfier hésitait ; il concevait des craintes sur le sort réservé au courageux aéronaute qui ambitionnait l’honneur de tenter le premier les hasards de la navigation aérienne. Il demandait, il exigeait des essais nouveaux. Il faut reconnaître que le projet de Pilâtre avait de quoi effrayer les cœurs les plus intrépides. Quatre mois s’étaient à peine écoulés depuis l’invention des aérostats, et le temps n’avait pu permettre encore d’apprécier toutes les conditions, tous les écueils d’une ascension à ballon perdu. On ne s’était pas encore avisé de munir les aérostats de cette soupape salutaire qui permet, en donnant issue au gaz inférieur, d’effectuer la descente sans difficulté ni embarras ; d’ailleurs, avec les ballons à feu, ce moyen perd, comme on le sait la plus grande partie de sa valeur. On n’avait pas encore imaginé ce lest, le palladium des aéronautes, qui permet de s’élever à volonté, et donne ainsi les moyens de choisir le lieu du débarquement. En outre la présence d’un foyer incandescent au milieu d’une masse aussi inflammable que l’enveloppe d’un ballon ouvrait évidemment la porte à tous les dangers. Ce tissu de toile et de papier pouvait s’embraser au milieu des airs et précipiter les imprudens aéronautes, ou bien, le feu venant à manquer par un accident quelconque, l’appareil était entraîné vers la terre par une chute terrible. Le combustible entassé dans la galerie offrait encore à l’incendie un aliment redoutable ; la flamme du réchaud pouvait se communiquer à la paille et propager ainsi la combustion à l’enveloppe du ballon. Enfin des flammèches tombées du foyer pouvaient, au milieu des campagnes, descendre sur les granges et les édifices. Aussi Montgolfier temporisait-il, demandant de nouvelles expériences. À l’exemple de toutes les commissions académiques, la commission de l’Académie des Sciences ne se prononçait pas. Le roi eut connaissance de ces difficultés. Après mûr examen, il s’opposa à l’expérience, et donna au lieutenant de police l’ordre d’empêcher le départ. Il permettait seulement que l’expérience fût tentée avec deux condamnés que l’on embarquerait dans la machine. Pilâtre des Rosiers s’indigne