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qui se trouvaient dans le bois, virent la machine descendre avec lenteur et ployer les hautes branches des arbres sur lesquels elle se reposa. La corde qui retenait la cage d’osier s’embarrassa dans les rameaux ; la cage tomba, les animaux en sortirent sans accident. Le premier qui accourut pour dégager le ballon et pour reconnaître comment les animaux avaient supporté le voyage fut Pilâtre des Rosiers. Il suivait avec une passion ardente ces expériences, qui devaient faire un jour son martyre et sa gloire.


II

On croyait désormais pouvoir, avec quelque confiance, transformer les ballons en appareils de navigation aérienne. Étienne Montgolfier se mit donc à construire, dans les jardins du faubourg Saint-Antoine, un ballon disposé de manière à recevoir des voyageurs. Les dimensions de cette nouvelle machine étaient très considérables, car elle n’avait pas moins de vingt mètres de hauteur sur seize de diamètre, et pouvait contenir vingt mille mètres cubes d’air. On disposa autour de la partie extérieure de l’orifice du ballon une galerie circulaire en osier recouverte de toile et destinée à recevoir les aéronautes ; cette galerie avait un mètre de large ; une balustrade la protégeait et permettait d’y circuler commodément. On pouvait donc faire le tour de l’orifice extérieur de l’aérostat. L’ouverture de la machine était ainsi parfaitement libre, et c’est au milieu de cette ouverture que se trouvait, suspendu par des chaînes, le réchaud en fil de fer dont la combustion devait entraîner l’appareil. On avait emmagasiné dans une partie de la galerie une provision de paille pour donner aux aéronautes la faculté de s’élever à volonté en activant le feu.

Le ballon étant construit, on commença, le 15 octobre, à essayer de s’en servir comme d’un navire aérien. On le retenait captif au moyen de longues cordes qui ne lui permettaient de monter que jusqu’à une certaine hauteur. Pilâtre des Rosiers en fit l’essai le premier ; il s’éleva à différentes reprises de toute la longueur des cordes. Les jours suivans, quelques autres personnes, enhardies par son exemple, l’accompagnèrent dans ces essais préliminaires, qui donnaient beaucoup d’espoir pour le succès de l’expérience définitive. Tout le monde remarquait l’adresse de Pilâtre et l’intrépide ardeur avec laquelle il se livrait à ces difficiles manœuvres. Dans l’une de ces expériences, le ballon, chassé par le vent, vint tomber sur la cime des grands arbres du jardin de Réveillon ; les assistans jetèrent un cri d’effroi, car la machine s’engageait dans les branches et menaçait de verser les voyageurs ; mais Pilâtre, sans s’émouvoir, prit avec sa longue fourche de