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destructeur de la marine nationale, surtout en ce qui regarde le commerce colonial. C’est l’expérience qui, maintenant, doit prononcer entre les deux opinions si diamétralement opposées, car les chambres ont fini par adopter les projets qui sont déclarés exécutoires comme lois, le 15 septembre, pour le royaume, et le 1er  janvier 1851, pour les colonies.

Ce débat terminé et la session de 1849 une fois close, une grave question s’est présentée pour le ministère hollandais, celle de savoir s’il devait dissoudre les chambres après l’adoption de la nouvelle loi électorale et provinciale. Il s’y est vu quelque peu forcé, attendu que plusieurs membres de l’ancienne députation, appartenant plus ou moins à l’opposition, déclaraient qu’ils envisageaient la dissolution comme une nécessité morale, que les chambres, après la nouvelle loi, cesseraient de représenter la nation, ou du moins ne la représenteraient que nominalement. M. Groen Van Prinsterer, lors de la discussion du projet de loi électorale, proposa même un amendement en vertu duquel la chambre elle-même eût ordonné sa dissolution pour le troisième lundi de septembre. Cet amendement fut soutenu, entre autres, par l’ancien ministre, M. Donker Curtius, mais la majorité le jugea inconstitutionnel. Cependant, le nombre des députés qui croyaient une dissolution nécessaire grandissant tous les jours, le ministère a dû se rendre à la tendance de l’opinion publique.

Les élections générales ont été pour le cabinet une grande épreuve. Sur plus d’un point, il a remporté la victoire, et en somme on peut dire qu’il n’a pas subi de grandes pertes ; pourtant il a vu élire à une grande majorité M. Baud, l’ancien ministre des colonies, à La Haye, M. Van Hall à Amsterdam, M. Groen à Zwolle, M. Van Amerongen à Leyde, ce dernier en remplacement d’un défenseur zélé du ministère. MM. Donker Curtius et Van Randwyck, anciens ministres, le dernier avant la révision constitutionnelle, n’ont pu réussir à se faire élire à la chambre. Parmi les députés réélus, on compte M. Van Hoëvell, le grand promoteur des réformes coloniales et antagoniste, sur ce terrain, de M. Baud ; parmi les députés nouveaux, on cite M. Metman, jurisconsulte distingué, et M. Jongstra de Leuwarden. Ces élections, qui pendant quatre semaines ont tenu en émoi tout le pays, ont servi d’ailleurs à dessiner nettement la position des partis. Dans les nouvelles chambres figure d’abord le parti du ministère, qui se proclame celui du progrès libéral ; il y a ensuite un parti libéral moins tranché, qui, dans l’ancienne chambre, avait M. Donker Curtius pour chef, puis le parti conservateur ou rétrograde, aux efforts duquel on attribue le choix de M. Baud : ce dernier parti a déployé assurément de l’énergie et de la tactique, en profitant ici d’une lutte intestine des libéraux, là de l’appui des protestans, plus loin de celui des catholiques. Ces derniers se plaignent assez vivement de leurs échecs. En définitive, on peut dire que le parti protestant zélé, dont M. Groen est le chef, est celui qui a le plus gagné aux dernières élections.

La session qui mettra en présence tous ces partis sera des plus importantes pour le pays et les colonies : la loi de l’enseignement, la loi communale, le budget, la loi des affaires coloniales, celle sur les grains et d’autres encore seront portées à l’ordre du jour. Il faut espérer que le patriotisme et le bon sens des Hollandais domineront les passions de partis dans ces graves débats.


V. de Mars.