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rien les mesures proposées ou accomplies depuis la retraite de M. Mon, telles que la loi sur les chemins de fer, le projet de règlement de la dette publique, la simplification de l’administration provinciale, la loi sur la comptabilité qui finira par couper court aux derniers restes de concussion et de péculat qui déshonoraient encore l’administration espagnole, l’établissement d’un service de paquebots entre l’Espagne et les Antilles, enfin la publicité mensuelle donnée aux recettes et aux dépenses de l’état ? C’est là, et non dans les prétendues manœuvres électorales qu’on lui attribue, qu’est l’ascendant croissant du cabinet Narvaez. C’est là qu’il faut chercher le secret de la surprise que réservaient à toutes les oppositions les élections de 1850.

La Hollande vient de procéder à des élections générales que nécessitait la loi organique votée à la fin de la dernière session. D’importans projets vont être soumis aux états-généraux ; aux lois déjà votées récemment sur le régime provincial et électoral, sur les postes, sur la navigation, d’autres lois vont s’ajouter, sur l’enseignement, sur les affaires coloniales, sur les communes, sur le budget, sur le commerce des grains, etc. Ainsi sera remanié peu à peu tout le système législatif de la Hollande. Parmi les réformes déjà accomplies, la plus grave est celle qui touche aux lois de navigation. La tendance générale de la législation nouvelle en cette matière[1] est uniquement de protéger les intérêts du commerce, en affranchissant la navigation des entraves que lui créaient plusieurs dispositions des anciennes lois. Le système désormais en vigueur est celui-ci : abandon complet et irrévocable du système des droits protecteurs, adoption immédiate et sans condition du principe de la libre navigation, et, par suite, application générale et sans restriction du principe de l’égalité des pavillons ; abolition, non-seulement des droits différentiels au profit du pavillon national, mais aussi des autres droits différentiels qui protégeaient l’importation directe de certains articles des lieux de provenance. En un mot, on a voulu faciliter autant que possible l’accès des ports néerlandais, et, en revenant à une politique libérale en matière de commerce, on a voulu engager les autres nations à abandonner le système des droits prohibitifs et protecteurs.

La discussion des lois de navigation a été longue et orageuse. On leur reprochait surtout d’être rédigées sous l’influence de l’Angleterre. Le ministre des finances soutenait avec raison qu’il n’avait pas eu en vue les intérêts de l’Angleterre, mais seulement les intérêts les plus chers de la patrie. « Nous devons agir, a-t-il dit, l’inertie serait un crime ; la concurrence donnera une vie nouvelle, une vie salutaire à l’esprit d’entreprise national. » On a fait valoir aussi, contre les nouvelles lois, l’intérêt des colonies, qui pouvait être compromis au profit du commerce anglais. Le gouvernement a déclaré qu’aucune modification ne serait apportée dans la base des tarifs coloniaux, si l’on n’avait préalablement consulté la législature.

Parmi les antagonistes des lois de navigation, on a remarqué particulièrement l’ancien ministre des finances, M. Van Hall, député d’Amsterdam, et le célèbre jurisconsulte M. Lipman, qui, dans une série d’articles dans le Journal du Commerce, a vivement combattu le système des lois de navigation comme

  1. Sous ce titre : Lois de Navigation des Pays-Bas, en quatre langues, mises en rapport avec les Lois antérieures, le texte des nouvelles lois a paru à La Haye, chez A-J. van Weelden.