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pas leur prendre leurs emplois, il les rassure le plus gaillardement du monde, tant il est bon prince, tant il a de bonne humeur !

O la grande puissance
De l’orviétan !

Voulez-vous une seconde entrée ? Dites si vous ne saviez point par cœur la physionomie que voici ? M. de Tinguy est bien avancé d’avoir fourni à cette figure boursoufflée une occasion nouvelle de s’étaler au soleil, et nous avions bien besoin d’entendre une fois de plus dérouler le chapitre pompeux de ces confessions gasconnes ! À qui cette signature peut-elle apprendre quelque chose ? Est-ce qu’il vous était sorti de l’esprit que cet homme de style était un parfait gentilhomme, un parfait catholique et un parfait bénédictin ? Hélas ! non, puisque les temps sont ainsi faits qu’une ame naïve, qui l’en avait cru bénévolement lui-même, nous le redisait encore l’autre jour d’un ton pénétré. En quoi cette inutile signature peut-elle donc diminuer ou accroître la gloire qu’on s’est toujours publiquement décernée, d’avoir été ou d’être en un seul et même individu légitimiste, féodaliste et absolutiste par instinct, par érudition, par vertu, — orléaniste par circonstance, et par espérance impérialiste-césarien, — feu M. de Boulainvilliers ou feu M. de Montlosier accouplé avec la très vivante et très sémillante personne de M. Romieu ?

Nous serions désolés qu’on se méprît sur le sens de ces observations qui nous échappent un peu malgré nous ; nous ne voudrions pas qu’on nous accusât d’entamer sans scrupule une polémique dangereusement passionnée contre laquelle, loin de là, nous essayons à tout hasard de prémunir la presse quotidienne. Nous avons rencontré deux exemples presque illustres qui pouvaient nous servir à signaler le piége que la loi nouvelle tendait aux journaux : nous en avons profité, mais, la main sur la conscience, sans parti pris d’invective. Cette loi trop ingénieuse sollicite évidemment les journalistes à faire leurs portraits dans leurs colonnes ; or, les portraits ainsi exposés, il ne chômera point de gens qui ne les trouveront pas beaux ; c’est bien la peine d’en faire ! Encore une fois, il n’y a point de propos délibéré dans les vivacités que nous n’aurons pu retenir à la vue des premières toiles qui nous sont tombées sous les yeux ; nous avons seulement estimé que, tout compté, le tort de notre brusquerie serait amplement racheté, si nous venions à temps pour dégoûter le journalisme de ce genre d’exhibition, en lui prouvant combien l’exhibition a peu réussi à ceux qui en ont déjà tâté. Nous ne croyons pas commettre d’injustice envers nos législateurs en soupçonnant que ce mauvais succès était dans les prévisions de la loi ; nous croyons encore moins manquer de respect à cette loi, respectable comme toutes celles qui ne sont pas encore abrogées, en souhaitant que l’événement trompe ces prévisions si peu flatteuses pour la presse quotidienne. Il ne dépend que des organes habituels de cette presse de laisser les personnes en dehors des articles, et d’effacer, comme ils étaient auparavant censés le faire, les individus derrière le journal.

Quel est en effet le but avoué de la loi qui pèse maintenant sur la presse quotidienne ? Nul autre que de rompre en morceaux cette unité collective qu’on, appelait le journal, qui était, si l’on veut, un être de raison, mais qui avait aussi sa raison d’être, qui représentait plus ou moins, suivant son plus ou moins de consistance, un centre, un foyer quelconque au milieu du morcellement universel