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avait tant contribué à amener la crise dont souffrait le pays, adressa à tous les gouvernemens fédérés une circulaire qui indiquait nettement la ligne de conduite qu’on allait suivre[1].

« La position, disait le conseil exécutif, que la confédération suisse occupe dans le système des états européens impose au directoire fédéral le devoir de rappeler l’attention des hauts gouvernemens cantonaux sur les événemens qui se préparent dans différens états et de leur exposer en même temps le point de vue sous lequel il faut envisager et apprécier la position de la Suisse vis-à-vis des états voisins. Sous quelque face que se présente l’avenir, la confédération suisse aura pour tâche de maintenir dans toutes les circonstances et de toutes ses forces la neutralité qu’elle s’est acquise. Cette profession de foi politique est exposée d’autant plus publiquement que le directoire ne craint aucune tendance dans un sens opposé ; cependant il est à propos, d’après les événemens qui se sont passés à l’intérieur, d’exercer une grande vigilance, afin d’éviter tout ce qui pourrait amener des embarras et des complications. La confédération suisse doit défendre avec énergie contre les diverses insinuations de l’étranger le principe de la non-intervention ; mais il faut aussi, d’après la manière de voir du directoire fédéral, qu’elle s’abstienne de toute espèce de démonstration de laquelle on pourrait induire qu’elle n’est pas fidèle à ce principe. Considérant l’ordre et la régularisation de ses affaires intérieures comme une tâche au sujet de laquelle elle seule a le droit de prononcer, la Suisse doit chercher à maintenir constamment sa neutralité, lorsque des conflits surgissent entre des états étrangers, et sous ce rapport aussi, comme cela a toujours eu lieu, remplir consciencieusement les traités existans. »

Le directoire invitait ensuite les états à organiser toutes les forces armées, il invitait en particulier les cantons qui touchent la frontière à l’informer des événemens qui pouvaient intéresser le pays. « Si des réfugiés, de quelque contrée qu’ils viennent, disait-il en finissant, devaient franchir armés ou sans armes le territoire de la confédération, il faudrait leur accorder un séjour paisible, conformément au droit d’asile et d’après les lois de l’humanité ; les premiers devraient être cependant désarmés immédiatement, et on devrait veiller en outre à ce qu’ils n’abusassent point de l’asile qui leur serait accordé pour en faire le centre de menées contre les états voisins. » La circulaire était signée par l’ancien chef de l’expédition des corps-francs contre Lucerne, M. Ochsenbein. Les états répondirent, presque tous dans un sens favorable à la circulaire du directoire. Un seul, le canton de Genève, à la tête duquel se trouvait et se trouve encore M. Jarres Fazy, rédigea sa réponse en termes quelque peu équivoques, et dont on put dire alors avec raison qu’ils tournaient à l’aigre-doux. Quoi qu’il en soit, la Suisse avait

  1. Les documens relatifs aux actes et aux négociations du gouvernement helvétique depuis 1948 sont pour la plupart assez peu connus en France. Aussi croyons-nous devoir en citer les parties essentielles, celles qui permettront au lecteur de se former un jugement à lui.