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ou plutôt dont tous les personnages n’ont qu’un rôle unique : l’expression de la douleur.

Il me reste à parler des dessins attribués à Michel-Ange et des croquis de Léonard de Vinci, de fra Bartolommeo, d’André del Sarto. Les croquis et les esquisses de ce dernier maître offrent seuls un intérêt sérieux. Les yeux se portent avec prédilection, avec bonheur, sur une tête d’enfant qu’on retrouve dans le tableau de la Charité, si maladroitement, si honteusement restauré il y a quelques années. L’admirable composition d’André a reçu des mains de l’ignorance une blessure que la main la plus habile aurait grand’ peine à fermer. Espérons que les restaurateurs nommés au concours sous l’administration intelligente de M. Jeanron ne se rendront pas coupables de pareils désastres. Si la tête d’enfant rapportée par M. Reiset ne suffit pas pour nous consoler, c’est du moins un choix avoué par le goût et qui ne sera pas sans profit pour les études de nos jeunes peintres. Il y a dans le crayon d’André une naïveté, une simplicité que les connaisseurs ne se lassent pas d’admirer. La simplicité s’allie d’ailleurs, dans ses dessins, à un savoir très profond. S’il n’a jamais atteint dans son style l’élégance de Raphaël ou la grandeur de Michel-Ange, on ne peut nier qu’il ne possède la connaissance complète du modèle humain.

Les croquis de fra Bartolommeo n’excitent pas une curiosité bien vive, et cela se conçoit sans peine. Malgré les leçons qu’il avait reçues du Sanzio, il a toujours montré plus d’habileté pour le choix des couleurs que pour le choix des lignes ; il n’a jamais connu ou, pour parler justement, il ne s’est jamais proposé la précision des contours. Les croquis d’un tel maître ne donnent que des renseignemens incomplets sur sa pensée. Le choix, l’harmonie des couleurs étant son principal mérite, un trait à la plume, une sépia rehaussée de blanc, ne nous apprennent pas ce que nous voudrions savoir.

Les croquis de Léonard, lors même qu’ils seraient d’une incontestable authenticité, ne mériteraient pas de figurer dans la galerie du Louvre. Lorsqu’il s’agit d’un tel maître, il ne suffit pas de constater l’originalité d’un dessin qui lui est attribué, il faut encore choisir un dessin digne de lui. Or, les têtes dites de Léonard, et je veux bien qu’elles soient de lui, ne sont que des passe-temps sans caractère vraiment magistral.

Quant aux dessins qui nous sont donnés pour l’œuvre de Michel-Ange, il n’y en a pas un qui puisse être accepté par les juges compétens. Quiconque a passé quelques matinées dans le cabinet de Florence où se conservent les dessins parfaitement authentiques de Michel-Ange, ceux qui faisaient partie du livre si souvent et si fièrement cité par George Vasari, son élève, sait à quoi s’en tenir sur les Michel-Ange rapportés de La Haye. Tous les artistes qui ont visité la chapelle des Médicis, et qui en ont conservé un fidèle souvenir, ont remarqué avec raison que le prétendu croquis de la Pieta placée dans cette chapelle représente le groupe tel qu’il est, c’est-à-dire inachevé. Il n’en faut pas davantage pour affirmer que ce prétendu croquis n’est pas de la main de Michel-Ange. Est-il probable en effet, que l’auteur de ce groupe si hardiment ébauché prévît, en le commençant, qu’il ne l’achèverait pas ? N’est-il pas plus naturel de penser que ce prétendu croquis est un dessin exécuté d’après l’ébauche en marbre, peut-être par Baccio Bandinelli, ou quelqu’un de ses condisciples ?

Ainsi, pour 103,000 francs, nous avons un admirable portrait de Rubens, un beau dessin de Raphaël, une tête d’André del Sarto. Nous pouvions, pour